On leur avait pourtant dit de rester chez eux, et ils ont quand même grimpé dans ce foutu rafiot. Des dizaines de cadavres, paraît-il. C’est bien triste, mais c’est ce qui arrive quand on n’écoute pas. Moi, la vie, je la connais. J’ai septante-huit ans. J’ai travaillé des années en tant que contremaître, j’ai construit des kilomètres de route, dirigé des centaines d’hommes. Certains se plaignaient du boulot. Clairement, ça use, le soleil. Surtout quand il tape sur le goudron. Ça réverbère comme à la mer, sauf qu’on ne s’y noie pas. L’eau, elle sortait de nous. Le goudron nous transformait en flaques de flotte salée. Aux manœuvres qui se plaignaient, je leur disais aussi: «Si t’es pas content, t’as qu’à rester chez toi.»
Restez chez vous ou trouvez du boulot!
Après nos heures, j’aimais bien emmener les gars à l’apéro. On avait nos habitudes, dans un café près du...