L'armée thaïlandaise a menacé jeudi d'intervenir dans la crise, après la mort d'un manifestant et d'un garde dans une attaque à la grenade en plein Bangkok. Face à ce climat de tensions, la commission électorale demande le report des législatives.
"Si les violences continuent, les militaires devront peut-être sortir (...) pour restaurer la paix et l'ordre", a indiqué le puissant chef de l'armée de terre Prayuth Chan-O-Cha dans un rare communiqué officiel en six mois de crise.
Il a précisé que ses troupes "pourraient avoir besoin de recourir à la force pour résoudre la situation", quelques heures après un appel de la commission électorale à reporter les législatives du 20 juillet.
Après des semaines d'accalmie, les violences meurtrières de jeudi surviennent alors que l'opposition se targue d'être dans sa dernière ligne droite contre le gouvernement intérimaire, avec la récente destitution de la Première ministre Yingluck Shinawatra.
Risque de guerre civile
Les Chemises rouges, puissant mouvement rassemblant les partisans du gouvernement, nombreux parmi la population rurale du nord et du nord-est du pays, ont mis en garde l'opposition contre un risque de guerre civile si elle s'obstinait à vouloir faire tomber ce qui reste du cabinet.
Et l'appel jeudi de la commission électorale au report des élections ne fait qu'envenimer la situation. Le secrétaire général de la commission, Puchong Nutrawong, a lancé cet appel après l'entrée par la force de manifestants dans le bâtiment où se tenait une réunion entre la commission et le gouvernement concernant l'organisation du scrutin.
Il a évoqué de possibles élections, au mieux début août, invoquant le fait que "les élections ne peuvent pas avoir lieu si les manifestants ne sont pas d'accord". Or, les manifestants d'opposition, qui campent devant le siège du gouvernement, réclament la nomination d'un Premier ministre "neutre" et repoussent sine die la tenue d'élections, suscitant des inquiétudes quant à leurs aspirations démocratiques.
Nombreux coups d'Etat
L'histoire de la Thaïlande est émaillée de coups d'Etat (18 réussis ou tentés depuis 1932, date de l'instauration de la monarchie constitutionnelle). Le dernier, contre le Premier ministre Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck, remonte à 2006.
Mais même si le chef de l'armée de terre se plaît à jouer les sphinx sur le sujet, l'armée a refusé jusqu'ici de se laisser entraîner vers une intervention. Même quand les manifestants semaient le chaos ces derniers mois en occupant ministères et bâtiments publics.
Le calendrier de l'opposition semble néanmoins s'accélérer ces derniers jours, tentant de profiter de la faiblesse du gouvernement intérimaire.
28 morts
Le bilan est désormais de 28 morts en six mois de crise, le plus souvent lors de tirs d'origine inconnue, dont les deux parties s'accusent. Toutes deux comptent des extrémistes prônant la violence.
Deux grenades M79 ont été lancées tôt jeudi matin sur un camp de manifestants près du Monument de la Démocratie, un des lieux de rassemblement emblématiques des opposants. Des tirs ont suivi.
"La première victime est un manifestant qui dormait au Monument de la Démocratie. La deuxième est un garde qui a succombé à ses blessures par balles", a déclaré Wallop Prathummuang, responsable de la police.
Gouvernement neutre requis
Les manifestants ne reconnaissent pas le Premier ministre par intérim, proche de Yingluck et de son frère Thaksin, et refusent les législatives du 20 juillet. Suthep Thaugsuban, le meneur des manifestants, tente de convaincre le Sénat d'invoquer l'article 7 de la Constitution pour demander au roi d'accepter la nomination d'un gouvernement "neutre".
L'homme clef du moment pour l'opposition est le président du Sénat (connu pour son opposition au parti au pouvoir), faute d'avoir réussi jusqu'ici à faire bouger les militaires en faveur d'un coup d'Etat. Mais les débats autour de la légalité de ce recours à l'article 7, ambigu, sont vifs.