L’annonce de l’annulation du Salon de Genève 2022, début octobre, a créé surprise et déception, dans la mesure où elle intervenait une semaine seulement après que le conseil de fondation eut donné son feu vert. Contrairement à celles des deux éditions précédentes, cette annulation n’avait pas la pandémie pour cause unique, ni même principale. Car si l’ombre du coronavirus continue bel et bien de planer sur le monde, ce sont d’autres raisons qui ont décidé les organisateurs du GIMS à repousser sa tenue à des temps meilleurs. En 2023 dans le meilleur des cas.

Reprise compromise

En cause, la situation difficile qu’affronte l’industrie automobile. Depuis plusieurs mois, une pénurie de semi-conducteurs ralentit la livraison de composants électroniques, ce qui pénalise la production et retarde les livraisons de véhicules. Certaines usines sont même au chômage technique. Comme il fallait s’y attendre, de nombreux exposants n’étaient plus disposés à venir à Genève, en mars 2022, pour y présenter des nouveaux modèles dont la disponibilité ne pourra être assurée, malgré la nette reprise de la demande après une année 2020 plombée par la crise sanitaire.

Le 1er avril dernier (ce n’était pas un poisson), Auto-Suisse, l’association des importateurs d’automobiles, se voulait encore «modérément optimiste» quant à l’évolution des ventes de voitures neuves. Mais les perspectives n’ont cessé de se dégrader par la suite. A tel point qu’en octobre, l’effondrement du marché se traduisait par une baisse de 28,2% des immatriculations en Suisse, par rapport au même mois de l’année précédente. Et la situation n’est guère plus réjouissante sur le marché européen (-23,1% en septembre). Maigre consolation pour la branche, le fait que l’offre de véhicules neufs ne soit plus en mesure de satisfaire la demande profite au marché de l’occasion.

Dépendance de pays asiatiques

Si la pandémie n’est pas étrangère à la pénurie de semi-conducteurs, la révolution en cours dans l’industrie automobile aggrave considérablement le problème. L’explosion du marché des voitures électriques, l’électrification à marche forcée des véhicules thermiques et une technologie omniprésente dans la conception des automobiles modernes ont entraîné une très forte augmentation de la demande de semi-conducteurs. Les voitures étant aujourd’hui plus proches d’un ordinateur qu’elles ne l’ont jamais été, notre dépendance de pays asiatiques pour ces composants essentiels constitue désormais un vrai problème. Il n’existe dans le monde qu’un nombre limité d’usines capables de produire des semi-conducteurs, et la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement vers des circuits plus courts ne peut pas se faire dans l’urgence.

Face à cette situation, la réponse qui vient immédiatement à l’esprit serait d’augmenter la production de semi-conducteurs. Mais une activité aussi complexe ne saurait évidemment se moduler aussi rapidement que, par exemple, la production des masques de protection ou du gel hydroalcoolique qui faisaient gravement défaut au début de la pandémie, mais sont devenus en quelques semaines des produits d’usage courant. Il faudra beaucoup de temps et une demande stable pour équilibrer tout cela. De l’avis des experts, les effets de la crise devraient se faire encore nettement ressentir en 2022 et il n’est pas possible, à l’heure actuelle, de prévoir quand le marché se redressera.

Surconsommation de micro-chips

Une autre solution, pour s’émanciper de la pénurie de semi-conducteurs dans l’automobile, serait de concentrer les opérations de calcul sur un nombre limité de processeurs. Mais comme l’explique très bien Paul Dembinski, professeur à l’Université de Fribourg, dans une chronique publiée récemment par «La Liberté», le caractère global de l’industrie automobile moderne rend une telle approche peu réaliste. Une voiture se compose en effet de modules ou de sous-ensembles produits par des sous-traitants, qui s’emboîtent les uns dans les autres et doivent, pour des raisons techniques, être autonomes et contrôlables. «La surconsommation des microchips est donc inscrite dans l’ADN de l’industrie», en conclut Paul Dembinski.

Automobiles: baisse drastique des mises en circulation en 2021

Pour les voitures de tourisme, la baisse a été encore plus importante, s’inscrivant à 28%. Les véhicules électriques tirent leur épingle du jeu.