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Maillot au point rouge

Au cœur du peloton de la 96e édition du Tour de France, les Japonais Arashiro et Beppu enroulent des braquets plutôt exotiques. Une double participation qui gonfle l'intérêt pour le cyclisme au pays du Soleil Levant.

09 juil. 2009, 11:25

Teint mat, œil en amande, Yukiya Arashiro s'extirpe d'un bus d'équipe teinté d'azur et posé sur le bitume brûlant du Vieux Port. Lundi matin à Marseille, le puncheur nippon de 24 ans, petit soldat de la Bbox Bouygues Telecom, prend rendez-vous avec les carnets de notes et les caméras après sa remarquée et remarquable cinquième place acquise entre Monaco et Brignoles. Boule d'audace et de nerfs, le Japonais avait alors osé frotter ses coudes dans le carré très VIP des sprinters où le pantagruélique Mark Cavendish impose sa loi. Dans la nuit de Tokyo, la performance du natif d'Okinawa a sans doute éclairé plus d'un écran plat et réveillé l'intérêt du pays pour le vélo.

Cet été, 20 journalistes japonais sont accrédités sur le Tour, soit près du double qu'en 2008. «Au Japon, beaucoup de monde connaît désormais mon nom et les médias, ainsi que des marques, s'intéressent à moi. Je ne suis pas encore une star, mais ça pourrait venir», s'enthousiasme Yukiya Arashiro dans la langue de Molière. Issu du triathlon, le jeune talent n'a jamais tâté du Keirin, la discipline phare du deux-roues nippon qui séduit la masse des pistards. Aimantés par l'appât du gain, les meilleurs cyclistes de l'archipel sprintent dans cet univers régenté par la folie compulsive et clinquante des parieurs. Arashiro, lui, a choisi de pédaler loin de ce temple doré.

Installé à Toulouse, il découvre pour la première fois le Tour de France, tout comme son compatriote Fumiyuki Beppu (26 ans, Skil-Shimano). Les deux hommes sont en train de mettre le Japon sur une selle. «Il y a un boom médiatique extraordinaire autour de leur participation au Tour de France», explique Nana Furusawa, journaliste libre spécialisée dans le cyclisme. «Cet été, des chaînes de télévision nationales ont envoyé des équipes au Tour, alors que, l'année passée, seules les chaînes par satellite suivaient la compétition», poursuit la jeune femme, qui a également écrit un livre sur le Tour de France. «J'ai été attirée par le Tour suite à la mort de Fabio Casartelli (réd: le 18 juillet 1995, l'Italien s'est tué après avoir percuté un muret en béton dans la descente du col de Portet-d'Aspet.). J'ai vu ce drame à la télévision. ça a changé ma vie... J'ai écrit ce livre pour rendre hommage à Fabio».

Depuis, Nana la Tokyoïte a couvert quatre Tours de France en tant que journaliste et contribue à populariser le cyclisme dans un pays davantage passionné par le baseball ou le football. «Chez nous, l'intérêt pour le cyclisme professionnel est limité, mais les gens s'y intéressent beaucoup en tant que hobby. C'est de plus en plus populaire de faire du vélo», analyse-t-elle.

Arashiro et Beppu n'œuvrent pas en pionniers, puisque deux enfants de l'archipel les ont précédés sur la Grande Boucle. En 1926 et 1927, Kisso Kawamuro avait esquissé un premier manga sur le Tour, avant que le plus moderne Daisuke Imanaka ne tente également de rallier Paris en 1996, lui aussi sans succès. Yukiya Arashiro et Fumiyuki Beppu offrent ainsi une nouvelle possibilité à leurs compatriotes de croquer la Grande Boucle par procuration. «Yukiya Arashiro est déjà une star pour les passionnés de cyclisme et il devient de plus en plus populaire au-delà de ce premier cercle de spécialistes», explique Shiho Dohi, une autre journaliste spécialisée qui fête son 10e Tour de France. La décontraction affichée par le protégé du manager français Jean-René Bernaudeau ne l'étonne pas. «Au début du Tour, Yukiya ne savait même pas qui était Bernard Hinault (rires). Ce détachement, ça lui enlève de la pression», poursuit la jeune femme.

Le manager tricolore du Nippon n'est pas plus surpris par la spontanéité affichée en course par son poulain. «Yukiya frotte bien et sait s'infiltrer dans des trous de souris. C'est un très bon coureur, qui n'a pas peur. Mais ce n'est pas un kamikaze», analyse Bernaudeau, qui se défend d'avoir engagé le Japonais par pur goût de l'exotisme. «Chez nous, Yukiya n'est pas le neuvième coureur. Si on l'a pris, ce n'est pas parce qu'il est Japonais, mais parce qu'il a du talent. Ce n'est pas un coup marketing.» La cinquième place d'Arashiro dimanche à Brignoles lui donne raison. /FMA

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