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Une bien maudite terre d'accueil

Le 26 avril 1986, le réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl libérait son cocktail radioactif sur l'Ukraine et l'Europe. Au travers de quatre reportages, nous revenons sur cet épisode de l'Histoire et sur ses conséquences.

10 mars 2011, 10:06

L'eau. A quelque 130 km à l'ouest de la centrale de Tchernobyl, le problème majeur du village de Nevgody n'est pas la radioactivité qui hante les forêts environnantes mais bien l'eau. Dans ce village de 3000 âmes, qui accueille encore aujourd'hui les premiers déplacés de la catastrophe de Tchernobyl, la teneur élevée en fer du sol est la préoccupation principale du maire. Debout dans un petit local technique en dehors du village, sa chapka rivée sur la tête, Anatoly Demydchuk, détaille avec de grands gestes aux deux collaborateurs de Green Cross Ukraine qui nous accompagnent, le fonctionnement du système de filtration de l'eau de son village. Projet pilote de l'ONG, la réhabilitation des installations de traitement de l'eau et la connexion au réseau de l'ensemble des ménages du village est devisée à 20 000 euros. Mais l'argent manque.

A son aspect rouillé, corrodé, la canette de ferraille bleue par laquelle transite l'eau puisée en contrebas n'inspire guère confiance. Installée par les Soviétiques, cette pièce de plomberie fonctionne depuis 25 ans. Elle a été mise en service lorsque les 1096 déplacés, issus de deux villages évacués à la suite de la tragédie de Tchernobyl, ont pris possession des 60 maisons construites à Nevgody spécialement pour eux.

«Seul le sable du système de filtrage a été changé», confesse Anatoly Demydchuk. «Mais pas le filtre principal. Aucune réparation depuis 25 ans.» Et bien que les villageois s'acquittent d'une redevance auprès du conseil de village, celui-ci ne dispose pas des moyens nécessaires pour assurer l'entretien de l'installation. D'où l'intervention de Green Cross. «C'est une ancienne habitante, que nous soutenons dans le cadre d'un autre projet, qui nous a parlé de ce problème», raconte Yuriy Sapiga, responsable de l'ONG.

Pas question pour les habitants de Nevgody d'acheter de l'eau en bouteilles ni pour le maire de faire venir une citerne au village. «L'Etat n'a pas d'argent. Trop de dossiers urgents», se désole Yuriy Sapiga. «Ici, 25% de la population sont sans emploi et ne touchent qu'une aide minime en tant que victimes de la catastrophe de Tchernobyl (réd: 18 francs par mois). Mais les gens ont des familles à nourrir. Alors ils vont chercher champignons, baies et tout ce qu'ils peuvent pour manger dans les forêts», soupire Yuriy Sapiga. «Des forêts contaminées bien évidemment.»

C'est le cas d'Eugen et Alla Sidorov et de leurs deux enfants. «Dans la région, terres contaminées et terres «saines» se touchent», explique Yuriy Sapiga. «Sans que personne ne sache les identifier. Et où pensez-vous que leurs deux vaches vont paître?», tempête-t-il.

Evacués de la zone Tchernobyl 2 (120 km autour de la centrale), Eugen et Alla, 10 et 13 ans en 1986, auraient dû être relogés dans une zone sûre. Mais l'interprétation des normes, des seuils de risque évolue... tantôt vers le haut tantôt vers le bas. Et c'est ainsi que Nevgody fut finalement classé en zone Tchernobyl 3. Le niveau 1 correspondant à la zone d'exclusion de 30 km autour de la centrale.

«Lorsque nous sommes arrivés, les gens nous regardaient, envieux. Electricité, routes, eau courante, ils ne disposaient pas de tout ça», se souvient Eugen Sidorov pour qui la contamination de la région n'est pas le souci premier. «Quatre puits fonctionnaient à l'époque, mais aujourd'hui un, voire deux puits seulement sont utilisables.»

Intégrée au projet de Green Cross, la réparation des points de pompage est, elle aussi, urgente. Car s'il est essentiel de filtrer l'eau puisée, garantir l'approvisionnement ne l'est pas moins, complète Yuriy Sapiga, toujours en quête de partenaires financiers.

Légère note d'espoir pour le village, au cours de la visite, Anatoly Demydchuk, le maire de Nevgody, a reçu l'appel d'un responsable de la région administrative de Zhytomir dont fait partie sa commune. Si Green Cross s'engage et trouve des partenaires, la région mettra la main à la poche. /YHU

Le 4e et dernier volet de notre série sur les 25 ans de la catastrophe de Tchernobyl portera un regard quelque peu différent sur une Ukraine marquée par la crise et une histoire douloureuse

Lire également: «Les hommes savaient vers quoi ils allaient mais étaient si paisibles» (1/4) et «L'âme confisquée de la cité de Pripyat» (2/4)

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