Nous sommes en mars 2020, les portes de la maison se ferment. Tout le personnel de l’EMS fait son possible pour protéger les résidents. Rapidement se pose la question du maintien du lien social des résidents avec leurs familles. Nous mettons en place des espaces de rencontre sécurisés, cela ne suffit pas toujours.
Pour les familles et les résidents qui le souhaitent, nous organisons alors des «Skype» (rendez-vous par le biais d’un écran durant lequel chaque participant peut se voir et se parler). Durant ces rendez-vous, certains résidents peuvent discuter avec des membres de leurs familles qui habitent très loin.
C’est la première fois que Mme H utilise cette technologie. Durant ces rencontres, elle va discuter avec sa fille, ses petites-filles et ses arrière-petits-enfants. Une de ses petites filles habite à 11 063 km de notre EMS. Lors du premier rendez-vous, un magnifique sourire illumine le visage de la résidente lorsqu’elle voit sa famille sur l’écran. Elle rit, me regarde et m’explique qui est qui. Elle observe sa famille, commente leurs faits et gestes et discute avec eux de choses simples de la vie. Elle demande des nouvelles des conjoints respectifs, de leur travail, et du temps qu’il fait.
Elle a vu le ventre de sa petite fille s’arrondir et demandait à chaque rendez-vous si c’était une fille ou un garçon
Durant ces «rendez-vous télé» (comme elle les appelle) Mme H apprend qu’elle va de nouveau être arrière-grand-maman. Elle sourit et félicite sa petite fille pour cette bonne nouvelle. Grâce à ces rendez-vous télé, elle a pu suivre la grossesse au fil des semaines. Elle a vu le ventre de sa petite fille s’arrondir et demandait à chaque rendez-vous si c’était une fille ou un garçon.
Un jour, lors d’un rendez-vous télé habituel, elle apprend que sa petite-fille a accouché. Mme H rit et ses yeux se remplissent de larmes de joie. Sans laisser le temps à qui que ce soit de parler, elle pose la fameuse question: «C’est une fille ou un garçon?» Mme H apprend à ce moment-là qu’une petite fille a pointé le bout de son nez. Mme H est contente et elle se réjouit de la voir.
Quelques jours passent. Mme H reçoit sa première carte postale familiale. Lorsqu’elle voit sa petite fille tenant son enfant dans les bras, elle se met à rire de bonheur. Dès qu’elle le peut, elle montre son arrière-petite-fille aux résidents. De grandes discussions s’entament alors entre eux.
Depuis, Mme H a revu sa fille. Nous gardons malgré tout «les rendez-vous télé» comme elle les appelle. Ainsi, elle garde le contact avec sa famille qui habite toujours à 11 063 km de Fleurier.