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L'exil silencieux des Irakiens raconté par une Neuchâteloise

Le conflit irakien a jeté sur les routes de l'exode près de deux millions de migrants. Valérie Kernen, journaliste neuchâteloise, et Béatrice Kuenzi, photographe zurichoise, témoignent de cet «exil silencieux». Thème d'une exposition à voir dès lundi à Neuchâtel et d'une table ronde à l'affiche du Club 44 à La Chaux-de-Fonds, le 28 octobre.

24 oct. 2009, 10:04

En Irak, on ne parle plus de guerre. Et pourtant, attentats, enlèvements, règlements de compte entre mouvances chiites et sunnites font partie du quotidien. Près de deux millions d'Irakiens ont quitté leur terre natale depuis 2003. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux se trouvent toujours dans les pays limitrophes, à Damas et Amman notamment, où ils s'entassent dans des logements de fortune surpeuplés. Comme ils n'ont pas le droit d'occuper un emploi, beaucoup travaillent au noir ou alors ce sont les enfants qui renoncent à l'école pour trimer clandestinement. Et en Jordanie, où la moitié de la population est déjà composée d'émigrés palestiniens, l'afflux massif de réfugiés a été perçu comme une menace pour le fragile équilibre interethnique.

Dans la volonté de sensibiliser la population d'ici à une situation trop souvent occultée, la Coopération suisse (DDC) a confié à Valérie Kernen et Béatrice Kuenzi la mission de réaliser un reportage sur cette problématique. La journaliste et la photographe, qui se sont rendues en avril 2007 en Syrie et Jordanie, relatent en mots et en images exempts de tout pathos, le quotidien à la fois tragique et digne de ces exilés.

Ainsi, un père de famille réfugié en Syrie dit la mort de son fils tué en pleine rue à Bagdad lors d'une fusillade entre des soldats américains et des insurgés irakiens. Un gamin, employé comme «garçon à tout faire» pour six dollars par semaine, sept jours sur sept, regrette simplement d'être privé d'école. Une mère se désole de ne pas pouvoir faire soigner son fils atteint d'une maladie grave...

L'exposition, qui s'ouvre lundi à l'Hôtel de ville de Neuchâtel, se présente comme un saisissant face-à-face entre le visiteur et les photographies de migrants; des portraits grand format imprimés sur des bâches de tentes en rappel à la précarité de l'exode. «Nous n'avons pas cherché le sensationnel. On a juste voulu humaniser le plus possible ce conflit, l'incarner par des témoignages», relève Valérie Kernen. «J'ai rencontré un médecin irakien, il s'en voulait terriblement d'avoir quitté son hôpital. Pourtant, il avait reçu des menaces de mort pour avoir soigné un moudjahid du peuple, son frère avait été torturé...» Des propos emblématiques de nombreux parcours: «La vie en Irak était devenue intenable pour eux. Leurs proches avaient été massacrés, torturés. Les enlèvements sont un vrai business à Bagdad; les milices se livrent aux pires exactions.»

Les deux reporters ont aussi mis en lumière la situation particulièrement dramatique de 3000 expatriés irakiens d'origine palestinienne, parqués dans des camps en plein désert; les frontières de la Syrie et de la Jordanie restant closes pour eux. L'effort consenti par les pays d'accueil au nom de la solidarité interarabe «n'est pas négligeable», reconnaît la Neuchâteloise. «Mais les conditions de vie sur place restent précaires, les deux pays n'étant pas signataires de la Convention de 1951 sur les réfugiés».

Seule une petite minorité d'exilés est rentrée au pays. L'insécurité, les risques de kidnapping, le manque d'accès aux soins et à l'éducation rendent le retour difficile, voire «déconseillé par le HCR». Valérie Kernen insiste sur l'effet miroir: «Les plus pauvres n'ont même pas pu partir. Les exilés que nous avons rencontrés étaient médecins ou professeurs. Je ne pouvais m'empêcher de penser que ces gens bien éduqués pourraient être mes voisins de palier. Comment réagirait-on si on devait tout quitter du jour au lendemain?» Et c'est bien le message de ces bribes de chemins de vie témoignant de l'universalité de l'exode. /CFA

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