Et, pourtant, tout s'oppose dans les démarches théâtrales développées depuis de longues années et reconnues au niveau international d'Ilka Schönbein et Oskaras Korsunovas. La première travaille de façon artisanale sur l'objet, le déchet. Elle fait vivre amoureusement des cabanons pourris, des roues de vélos voilées, des poupées usées jusqu'à la corde. La désuétude amoureuse comme viatique. Et l'abandon comme figure centrale de son expression. Le second traque la modernité et ses artifices sans relâche. Câbles orange disposés en vrac sur le plateau, esthétique proche du clip, détournement de logos publicitaires. Il impose des déflagrations ultra contemporaines, du superléché ironique.
On pourrait dire d'Ilka et d'Oskaras qu'ils traquent l'enfance et ses mutilations. Ils finissent par façonner une personne qui trouve des réponses au théâtre, ou qui utilise ce lieu pour douter. Dans «Chair de ma chair», Ilka Schönbein part de «Pourquoi l'enfant cuisait dans la polenta», récit bouleversant et bricolé d'Aglaja Verternayi, pour inventer un corps d'artiste. Avec ses deux complices comédiennes, elle construit un imaginaire riche, où les monceaux d'identité, les visages froissés, les langues étrangères jaillissent de par-dessus l'épaule.
Tout grince, ne fonctionne pas vraiment, mais la brocante du rêve délivre des pépites tendres et désespérées. Comme dans l'arte povera, la récup, l'astuce deviennent le c?ur (d'artichaut) du rêve. Les troubles féminins apparaissent avec une violence troublante de vérité. Chez Korsunovas, malgré l'intelligence des acteurs et leur performance de poésie sonore, le résultat est plus monolithique. Son intervention ferait merveille dans un Centre d'art. / ACA