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Avant les Jeux nazis

En Suisse, le débat sur le boycott des JO de 1936 à Berlin est resté discret. Un historien l'expliquera demain au Club 44. Avant-goût Christian Favre est né en 1975 à La Chaux-de-Fonds où il obtient sa maturité commerciale. Il poursuit ses études à l?Université de Fribourg, «parce que je pouvais choisir histoire contemporaine en branche principale, mais aussi pour changer d?air». Son ouvrage, «La Suisse face aux Jeux olympiques de Berlin 1936» ? paru en 2004 aux éditions de l?Université de Fribourg ? résulte de son mémoire de licence. Il donne, demain soir au Club 44 à La Chaux-de-Fonds, une conférence sur ce thème.

18 janv. 2006, 12:00

La Suisse aurait-elle pu boycotter les Jeux olympiques de Berlin en 1936? Christian Favre: En 1935, le débat ne portait pas sur la participation ou non de la Suisse aux JO, mais sur la contribution financière de l'Etat. Normalement, le crédit de 36.000 francs n'aurait pas dû être soumis au Parlement. Au cours des débats, la gauche, très minoritaire, trouve des appuis à droite en arguant que ce n'est pas à l'Etat de financer une parade à Berlin. Le Conseil national rejette le crédit.

Quelles ont été les réactions? C.F.: Les intérêts économiques croisés sont importants. En Allemagne, une campagne de presse est organisée contre la Suisse. On craint que la position de ce petit pays neutre n'entraîne une série de boycotts. On n'accepte pas que la Suisse fasse la leçon. Quelques jours plus tard, la Suisse se rend compte que ce petit crédit refusé a des conséquences sur la politique internationale. Le Conseil des Etats balaie la décision du National.

Pourtant le lien entre sport et Etat était important avant ce débat. C.F.: Dès les années 20, le sport bourgeois et le sport ouvrier coexistent. L'Etat soutient les jeunesses populaires pour en faire de bons soldats. Tant qu'elles font du sport et pas de la politique. Dès 1933, la gauche se mobilise, elle dénonce la montée du régime nazi en Allemagne. La fédération du sport ouvrier (Satus) voit ses subventions supprimées. Le discours de Satus se radicalise. A Berne, on veut les domestiquer, on n'accepte pas de financer des antimilitaristes. On leur demande de quitter leurs idéaux pour se ranger sous les drapeaux.

Qu?est ce qui vous a amené à travailler sur cette période? C.F.: Je suivais le cours de Laurent Tissot, également professeur à l'Université de Neuchâtel, sur l'histoire du sport. Nous avons étudié le rôle du sport et son utilisation par les régimes totalitaires. Mais la position de la Suisse était peu connue. Et puis, ma mère a participé aux Jeux olympiques d'Innsbruck, en 1964. Elle n'en parle pas beaucoup, mais elle a aimé l'esprit festif, les rencontres. Et moi, je veux voir ce qui se cache derrière les anneaux. En tant qu'historien, j'ai un devoir d'objectivité, j'examine une période, y compris les épisodes sombres.

Vos recherches ont-elles été faciles? C.F.: J'ai pu accéder aux archives du Comité olympique international (CIO) sans aucun problème, ils ont une politique très ouverte, très libérale. Il faut savoir que les Jeux de Berlin ont bénéficié d'une médiatisation sans commune mesure avec les Jeux précédents. L'objectif était clairement la propagande. Les Allemands ont compris qu'ils pouvaient utiliser cet événement pour démontrer la supériorité de la race. On a parfois dit que le CIO avait été pris en otage. Je ne crois pas. L'olympisme avait été pratiquement stoppé par la crise de 1929. Les Jeux de 1932 à Los Angeles ont été un échec. Et Berlin a relancé le CIO.

Quelles sont les conséquences de ces JO pour le sport suisse? C.F.: Les résultats sportifs sont catastrophiques. Dans un premier temps, il y a une volonté de changement. A l'image de l'Italie ou de l'Allemagne, on envisage de soutenir massivement le sport national. Et puis ça s'atténue. Plus on s'approche de la Seconde Guerre mondiale, plus on recherche une union nationale sans faille. On se contente de fabriquer de bons soldats, on ne pense plus au sport international. / JLW

La Chaux-de-Fonds, Club 44, jeudi 19 janvier à 20h

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