Sur la vidéo, on le voit se concentrer et réussir son coup. La dernière bille disparaît dans le trou, la blanche reste sur la table. C’est gagné! Il brandit le poing sous les «braillées» de ses coéquipiers, comme il le raconte lui-même, hors écran. On est à la salle du «Saloon», un club de billard à La Chaux-de-Fonds, à écouter Julien Tschäppät. Quelle jovialité naturelle il a, ce type!

La dernière fois que le Chaux-de-Fonnier de 41 ans avait vécu une communion «aussi incroyable», c’était dans une autre vie, quand il était jeune hockeyeur à Young Sprinters et qu’à lui tout seul ou presque, il avait battu ses anciens coéquipiers du HCC en juniors élites. «Il n’y a pas 20 gaillards qui m’ont sauté sur le dos cette fois-ci, c’est la seule différence», s’esclaffe-t-il.

Chez eux, au moment de déclencher le coup, il n’y a que le bras qui bouge. C’est impressionnant!

Julien Tschäppät, joueur de billard

Dimanche 21 novembre à Staufen (Argovie), le Billard Club Kerzers a remporté la première médaille de son histoire aux championnats de Suisse par équipes. Du bronze. Julien Tschäppät a joué un rôle décisif en quarts de finale, dans un scénario à la Hitchcock. «Je perdais trois manches à une et j’ai gagné 6-4. Sinon, pour nous départager de Pratteln, on aurait dû tirer les penalties.» Au billard aussi, cette «loterie» existe…

On peut voir Julien Tschäppät apporter le point décisif à son équipe (sur la vidéo entre 6:35 et 7:40 de diffusion).

Le même week-end, l’ancien hockeyeur est monté sur son premier podium dans des championnats de Suisse en individuel, huit ans après ses débuts dans le billard américain. Du bronze là aussi, au jeu de la 10.

Classé neuvième cette année dans la hiérarchie nationale de Swisspool, Julien Tschäppät a fini par se lancer sérieusement dans la discipline en 2013. Jusque-là, il y jouait en soirée avec son frère et ses potes, au «Nik’s», à La Chaux-de-Fonds. C’était avant que la clope s’éteigne dans les bistrots. On y trouvait encore des billards et il y avait du pognon dans ce sport.

«Le patron du club me poussait à faire de la compétition, mais j’avais le hockey et les études, et j’aimais aussi le baby-foot…» Il a fallu une commotion subie sur la glace, au niveau amateur, pour décider Julien Tschäppät à raccrocher les patins.

«Depuis tout petit, je faisais du tricot»

Et c’est par hasard, dans un tournoi régional de billard à Yverdon, qu’il s’est fait débaucher par «deux gars qui cherchaient un coéquipier pour les championnats de Suisse…» Comme il était doué, le nouveau n’a pas eu l’air bête du tout. Et le voilà désormais établi dans l’élite nationale depuis plusieurs années.

Sur la glace déjà, il avait de bonnes mains, comme on dit. «Depuis tout petit, je faisais du tricot», rit Julien Tschäppät: encore une expression consacrée dans le monde du hockey, pour dire d’un joueur qu’il aime un peu trop «porter» son puck…

«Rester calme dans les moments chauds»

Malgré ses aptitudes naturelles, le Chaux-de-Fonnier n’atteindra jamais la pureté technique des meilleurs joueurs de billard. «Chez eux, au moment de déclencher le coup, il n’y a que le bras qui bouge. C’est impressionnant! Pour en arriver là, il faut avoir commencé tôt.»

L’expérience du hockey l’a quand même aidé «à rester calme dans les moments chauds». «A la table, il faut savoir attendre sa chance, prendre les bonnes options tactiques et bien respirer au moment de jouer.»

Ce Vallonnier d’adoption consacre «huit à douze heures d’entraînement par semaine» à sa discipline. Géomaticien de profession, il a fait de la table de billard le territoire de sa passion.

A la fin du match, je lui ai dit: 'Je t’aurai!'

Julien Tchäppät, joueur de billard

Cette médaille de bronze l’incitera peut-être à s’entraîner «à peine plus et surtout de manière plus structurée». Car entre les jeux de la 8, de la 9, de la 10 et de la 14-1, il y a de subtiles différences qui méritent d’être explorées. Travaillées et retravaillées.

Membre du cadre national, Julien Tschäppät a une petite chance d’être sélectionné dans une année pour les championnats d’Europe. Aujourd’hui, il ne prétend pas appartenir aux quatre meilleurs joueurs du pays, mais l’idée d’y arriver le titille…

A Staufen, l’une des deux légendes vivantes du billard suisse lui a barré la route de l’or. Son nom: Dimitri Jungo. «Je ne l’ai jamais battu. Mais à la fin du match, je lui ai dit: 'Je t’aurai!'», raconte le Chaux-de-Fonnier. Le champion lui a répondu: «Garde ta 'positive attitude', sur et en dehors de la table».

Hôtel de luxe, «prize money» dérisoire…

La présence de ce jovial ex-hockeyeur met de la couleur à cet univers feutré du billard de compétition. Le joueur avoue être tenté de ressentir le frisson de la scène internationale. «L’Euro Tour»: 256 compétiteurs qui s’affrontent par système de double K.-O. (doubles éliminations directes), dans le cadre d’un hôtel quatre ou cinq étoiles.

«Là, on est loin de l’ambiance cigare, whisky et paris. Pas d’alcool pour les joueurs, évidemment. De l’eau ou du café. Et pour retrouver sa 'mise', il faut finir dans le top-9. Le vainqueur n’empoche même pas 5000 euros. Et le règlement nous oblige à dormir trois nuits à l’hôtel qui héberge le tournoi…»

Si Julien Tchäppät se lance, on sera là pour raconter l’histoire.

Julien Tschäppät, du hockey sur glace à l’élite suisse du billard

Le Chaux-de-Fonnier de 41 ans a décroché ses premières médailles nationales fin novembre. Il nous raconte son parcours.