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Métissez cette littérature!

Muriel Zeender Berset explore les écrivains romands plurilingues. Elle publie sa thèse défendue à l'Université de Neuchâtel.

10 janv. 2011, 07:43

Muriel Zeender Berset publie «Ecrire entre les langues», d'après sa thèse défendue en 2007 à Neuchâtel. Elle y explore pour la première fois la littérature romande plurilingue. A savoir les auteurs issus d'autres langues et qui ont métissé leurs écrits. L'apport d'un bagage culturel extérieur à la zone francophone est au centre de la réflexion.

On peut admettre avec Muriel Zeender Berset qu'il y eut un «métissage» entre idiome régional et français académique chez Ramuz. Puis presque plus rien. Jusqu'à Adrien Pasquali, né en Suisse de parents italiens, et pour qui la «douleur de l'entre-deux» va être terrible. Les années dites Schwarzenbach résonnent dans ses œuvres. La famille veut oublier l'italien. Il faudra que Pasquali trouve une patrie dans les mots. Ce qu'il fera jusqu'à l'excellence en français. En cela, il est bien un pionnier du plurilinguisme transparaissant dans la littérature romande. Plus tard, le métissage rattrape cette même littérature, mais aussi des revues que la Fribourgeoise décortique au passage. Pour le Tessinois Daniel Maggetti, note Muriel Zeender Berset, «le fait de maîtriser plusieurs langues permet de multiplier les voies d'accès au sens». Chez Beat Christen s'élabore un face à face direct entre l'allemand et le français. Chez Eugène, la langue roumaine apparaît en creux. Se jouant de ses lacunes, l'écrivain conquiert le français à partir d'un manque. Plus radicale, l'écriture très remarquée et primée d'Yves Rosset «colle, fragmente, crée de nouveaux mots au carrefour des langues». Tous, conclut Muriel Zeender Berset, «portent atteinte à l'idée de l'existence d'une langue universelle».

En regard de la radicalisation des positions helvétiques envers les étrangers, on pourrait poser politiquement la question du métissage culturel. Muriel Zeender Berset s'en défend. Ce métissage, constate-t-elle, est devenu une tendance dès les années 1980. Dans la musique notamment où personne n'y voit une problématique politique. Pour elle, le phénomène littéraire reste certes peu développé en Suisse romande, mais s'aligne sur un courant de fond qui a déjà touché le Canada ou la Belgique, la France demeurant beaucoup plus rétive au plurilinguisme.

Muriel Zeender Berset attend de voir ce que sa thèse réveillera chez ses lecteurs. Car l'apport d'un bagage culturel extérieur est la réalité de beaucoup de monde, constate-t-elle. Après des générations qui ont voulu gommer ce bagage, les écrivains qu'elle a étudiés enrichissent au contraire la littérature en métissant deux cultures. Ils contribuent, dit-elle, «à valoriser ces différences qui s'additionnent mais ne s'annulent pas». Pour la Fribourgeoise, malgré les aléas de la politique, le métissage culturel s'ancre en Suisse. Elle se dit optimiste. Et à quand, donc, l'étape suivante: le métissage littéraire avec les cultures turque ou balkanique?

Au plan de la francophonie, souligne Muriel Zeender Berset, il s'agit aussi de continuer à mettre en cause l'hégémonie du français académique. Sans attaquer la langue mais en l'enrichissant. Encore faut-il que de tels livres soient largement diffusés... /JST-La Liberté

Muriel Zeender Berset, «Ecrire entre les langues», Ed. Slatkine, 351 pages

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