On transpire rien qu’en les regardant. Au milieu de la route, à Monruz, cinq ouvriers de l’entreprise Facchinetti s’activent pour transformer le carrefour en giratoire. Il est 9 heures ce mardi 19 juillet et MétéoSuisse n’indique «que» 22 degrés. Lorsque les ouvriers auront terminé leur journée, le mercure aura atteint 34 degrés.

«Dans la mesure du possible, les travaux pénibles sont réalisés en début de matinée, dès 6h45. Les constructeurs de route ne peuvent pas se protéger du soleil, à part s’ils travaillent dans un tunnel ou un parking souterrain…», explique Lionel Vuilleumier, responsable qualité, sécurité et environnement au sein de l’entreprise.

On sait que la productivité chute par de telles chaleurs.

Lionel Vuilleumier, responsable qualité, sécurité et environnement chez Facchinetti

Impossible de commencer plus tôt dans ce quartier d’habitation: «Si on allume les machines à six heures, les gens ne seront pas contents.»

Prendre une pause l’après-midi pour recommencer en fin de journée est tout aussi compliqué: «Quand vous bétonnez, par exemple, il faut assurer une continuité. On ne peut pas le faire à moitié», précise Adriano Moreira, chef d’équipe. D’autant plus que «nos programmes de travaux sont serrés», ajoute Lionel Vuilleumier.

Marche à l’ombre

Les ouvriers profitent de l’ombre pour se reposer. Photo: Muriel Antille

Les constructeurs de routes assurent prendre trois à quatre pauses par jour (en plus de celle de midi) pour reprendre des forces durant la canicule. «Il y a une certaine souplesse. On sait que la productivité chute par de telles chaleurs», précise Lionel Vuilleumier.

Mario, un des employés, confirme: «On a moins la volonté de bosser. Mais on doit faire avec, c’est le métier qu’on a choisi.»

L’entreprise ne peut pas décider de stopper le chantier à cause de la chaleur: «Contractuellement, nous n’avons pas le droit. Et si on décide de le faire, il y aura de toute façon un concurrent pour le reprendre», regrette Lionel Vuilleumier.

Derrière les machines, il y a des hommes. C’est notre capital et nous y faisons attention.

Lionel Vuilleumier, responsable qualité, sécurité et environnement chez Facchinetti

«Il faudrait qu’une décision soit prise de manière globale, par la Société suisse des entrepreneurs», qui réunit les entreprises du bâtiment et du génie civil. «Il y a un dérèglement climatique, avec des pics de température, mais on travaille toujours comme avant.»

Le responsable le souligne: «Derrière les machines, il y a des hommes. C’est notre capital et nous y faisons attention. Si quelqu’un a un coup de chaleur, il arrête et se met à l’ombre. Si ça passe, il reprend. Sinon, il rentre à la maison.»

Adriano Moreira hoche la tête: «On se surveille les uns les autres. Pour être constructeur de route, il faut savoir s’adapter à toutes les situations.» Surtout météorologiques. En hiver, ce n’est pas forcément plus facile. «Ça vend du rêve notre métier, hein?» s’esclaffe le chef d’équipe. Pourtant, «je ne voudrais pas travailler dans un bureau. Même machiniste, je ne pourrais pas!»

Chef, on a soif!

L’eau est fournie par l’entreprise par temps de canicule. Photo: Muriel Antille

«En phase de canicule, l’eau passe à la charge de l’entreprise. Il faut qu’il y en ait en suffisance pour que les hommes soient correctement hydratés. C’est la base», dit Lionel Vuilleumier.

La crème solaire est également fournie. Son chef d’équipe rigole: «On a le temps de bronzer un peu.» Mais attention: hors de question de retirer le T-shirt: «C’est interdit. Il faut respecter des normes de visibilité, car on se trouve sur les routes. Le short est toléré, mais déconseillé. Il est interdit sur certains chantiers, notamment ceux des CFF ou sur les autoroutes», détaille Lionel Vuilleumier.

Les habits sont conçus en matière synthétique: «En coton, ce serait plus agréable… mais ça n’existe pas.»

34 + 160 = ?

Le revêtement bitumineux doit être posé lorsqu’il fait chaud. Photo: Muriel Antille

Il y a non seulement la chaleur ambiante, mais aussi celle dégagée par le revêtement bitumineux. «La norme se situe à 160 degrés. L’enrobé doit être posé à chaud», précise Adriano Moreira.

Une fois la matière déversée par une machine, il faut ensuite la compacter: «S’il fait trop froid, ce n’est pas possible de le faire correctement. C’est pour ça qu’il y a une valse des chantiers en été. On travaille huit heures et demie par jour d’avril à septembre, et sept heures et demie le reste de l’année», explique Lionel Vuilleumier.

Cristiano, qui va passer en troisième année d’apprentissage, ne se plaint pas: «J’ai toujours aimé travailler en équipe et à l’extérieur. La chaleur fait partie du métier…»

Réalité vs utopie

Le chantier devrait être terminé en septembre. Photo: Muriel Antille

«Nous modifions la route et nous devons le faire en créant le moins de nuisances possibles sur le trafic. Sinon, ça râle et les politiciens n’aiment pas trop ça. En plus, il y a le risque de créer des bouchons et donc des accidents», précise Lionel Vuilleumier. L’utopie? «Fermer la route pour pouvoir travailler.»

Comme c’est impossible, «le projet présente une vingtaine d’étapes. Les parties Nord et Sud sont terminées. On se prépare à réaliser l’îlot central.» Le giratoire devrait être prêt à la fin du mois de septembre.

Neuchâtel: un giratoire tout beau, tout neuf à Monruz

Hormis le marquage au sol et la signalisation, le nouveau giratoire de Monruz, à Neuchâtel, est terminé.