«Ah, on la sent», «si elle n’arrive pas cette nuit, c’est qu’y a un problème», «on se prépare». Qui donc, ou quoi? Une nouvelle Annonciation divine? L’épidémie annuelle de grippe? Pas la peste noire quand même? A mi-novembre, les Chaux-de-Fonniers rivalisent de formules un peu goguenardes pour ne pas la nommer, mais on se comprend à demi-mot, et on l’aura deviné: c’est la première neige.
Mardi, ça bruissait ferme dans les chaumières, ça semblait imminent. Hier, plus le moindre chuchotement. On n’allait quand même pas s’extasier (ou râler) pour quelques cimes de sapins légèrement blanchies du côté de Pouillus! On veut du lourd. Une entrée dans l’hiver digne de ce nom, c’est un demi-mètre de poudreuse au réveil, pas quelques flocons égarés et fuyants.
Demain, peut-être. De toute façon, quand elle aura recouvert la ville, la relation amour-haine prendra le dessus dans les commentaires. Certains profiteront de leurs oreilles pour ne pas sourire tout le tour de la tête. D’autres grogneront en posant prudemment un pied devant l’autre, pour ne pas finir sur les fesses ou, pire, devoir clopiner avec un nouveau fémur au printemps.
Alors, elle vient? «Oh, pour moi elle peut attendre, j’ai pas encore fait poser des crampons à mes godasses, ni des pneus d’hiver à ma pompe». Là, y’avait malentendu: je pensais à ma paye que la banque tardait à recevoir. Mais, pour les crampons, le type avait pas tort. J’aurai peut-être juste le temps car (l’ai-je déjà dit?) c’est imminent…
François Nussbaum