Cinéaste neuchâtelois d’origine kosovare, Fisnik Maxville s’est fait remarquer dès 2016 avec «Lost Exile», l’histoire d’une jeune femme fuyant un mariage arrangé. Après «Nostromo» (2021), plongée mystique dans le Grand Nord, le voici de retour avec «The Land Within». Dans ce film fascinant, un jeune Suisse retourne dans son Kosovo natal, où il retrouve la mystérieuse Una, et découvre des secrets de famille enfouis dans la terre…

Fisnik Maxville, comment ce film s’inscrit-il dans votre filmographie?

Je me suis mis logiquement à raconter le Kosovo et la Suisse, qui sont plus proches qu’on le pense, mais dont les liens sont source d’incompréhension. J’ai fait des documentaires, comme «Zvicra» sur l’intégration ou «Fin de partie» sur Bernard Challandes qui entrainait l’équipe de foot du Kosovo. Et au cours de mes recherches, j’ai découvert des histoires, qui ont peut-être nourri inconsciemment «The Land Within».

Un film d’une grande qualité d’écriture, notamment au niveau temporel…

L’idée était de passer de 1980 aux années 2000. Cela représentait un grand défi en termes de budget, mais cette structure narrative est devenue essentielle. Le tournage a été divisé en deux et cela m’a permis d’ajuster par la suite ce que je n’avais pas réussi au début.

Je voulais raconter mon histoire par un prisme poétique

Votre regard sur la jeunesse est-il le moteur du film?

Nous ne sommes pas responsables des péchés de nos pères, surtout dans un pays jeune comme le Kosovo, qui reste prisonnier du passé. Pendant le tournage, j’avais l’impression de filmer des personnages qui portent des traumatismes et cherchent à s’en libérer. C’est pourquoi j’avais aussi en tête l’idée du paradis perdu et j’ai voulu explorer la possibilité de le recréer, de manière sensorielle, pour créer un sentiment de renouveau.

De quelle manière avez-vous imaginé les scènes fantastiques?

Parfois ces scènes ne figurent pas au scénario, mais lors des repérages je garde en tête les endroits exceptionnels… Et j’ai eu la chance d’avoir une équipe unie, prête à tourner sur un coup de tête une scène improvisée en fonction du lieu. Car faire du cinéma, c’est de l’artisanat et j’adore trouver des solutions pour magnifier l’image et le son.

Vous aviez aussi la volonté d’éviter le naturalisme…

Je ne voulais pas de ce que j’appelle la «prison du drame social», parce que le cinéma des Balkans s’y est souvent enfermé. Je voulais raconter mon histoire par un prisme poétique. Et pour l’esthétique, je me suis inspiré de Félix Vallotton qui a représenté la guerre des tranchées avec des couleurs vives et des faisceaux de lumière. J’ai donc appliqué cette idée de représenter la guerre et les conflits familiaux en leur insufflant de la lumière. Parce qu’au fond, le cinéma, c’est apporter de la lumière où il n’y en a pas.

Votre conseil aux jeunes cinéastes neuchâtelois·es de BiBi?

Euh, je suis encore jeune! Mais je dirais qu’un projet doit être assez solide pour surmonter la lenteur incontournable du système de production et qu’il faut le faire lire le plus possible, accepter les critiques, sans remettre en question ce qui nous anime au fond, mais en réévaluant la manière dont on raconte. Persévérer est indispensable.

Fisnik Maxville, réalisateur neuchâtelois: «Le cinéma, c’est apporter de la lumière»

[INTERVIEW] Le réalisateur neuchâtelois Fisnik Maxville présente ce vendredi 3 mai son nouveau film «The Land Within» en ouverture du BiBi festival. Rencontre.