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«En attendant le dégel», l’air du temps de Luc-Olivier Erard

Première chronique d’hydroalcoolique anonyme. Découvrez l’«Air du temps» de Luc-Olivier Erard.

27 mars 2020, 05:30
AirDutemps-LucolErard

Il n’y a pas si longtemps, les germes, on s’en lavait les mains. Nous fréquentions bars et restaurants dans l’insouciance. On aimait se rendre dans ce genre de salons publics, quand bien même s’y trouvaient déjà d’autres gens, que nous ne connaissions souvent ni des lèvres, ni des dents.

Souvenez-vous, dans ces établissements d’un autre temps, chaque groupe accaparait une partie de l’ameublement pendant une heure ou deux. Sur une carte pleine d’empreintes digitales sèches, on choisissait des boissons que le personnel s’empressait par la suite de déposer déjà ouvertes, à mains nues sur la table, certains convives ne jugeant même pas utile d’interrompre les postillons de leurs dernières vacances.

Je vous parle de cette époque, c’était quoi… Il y a deux ou trois semaines. Le temps passe vite, et parfois, il n’est pas évident de se faire au nouveau monde.

L’autre jour, lors d’un trajet (indispensable!), je m’arrête prendre un café dans un «take-away» de fortune. Ma boisson en main, je me recule de quelques mètres sur le trottoir: distance de sécurité. Je savoure mon jus à l’air libre, debout. Deux femmes passent alors brièvement dans mon champ de vision. Elles se parlent à voix haute pour surmonter un vent tempétueux et la distance sociale imposée.

Plus tard, je me retourne, et revoilà ces deux copines, l’une à dix mètres, l’autre à vingt. Derrières elles, de nouveaux arrivants forment un alignement régulier et immobile jusqu’au milieu de la place. En avisant mon gobelet, quelqu’un ose enfin hurler, poliment, «Vous êtes servi ou vous faites la queue?» Je fais quelques pas chassés. La longue chenille reprend sa procession. Vivement le retour du service à table.

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