«Tu attends quelqu’un?» Les yeux embués de sommeil, Yigit Aksakoglu a bien entendu la sonnette d’entrée. Il est 6h du matin, ce vendredi, à Istanbul, et son épouse, Unzile, n’attend personne. Yigit, qui travaille pour la fondation néerlandaise Bernard Van Leer, bondit du lit, se dirige vers la porte, tourne la poignée. Neuf policiers – dont seulement deux en uniforme – l’attendent sur le palier pour l’arrêter. «Je n’ai rien compris. J’ai juste enchaîné les questions. Où l’emmènent-ils? Comment pourrais-je le voir? Quel motif justifie son arrestation?» raconte Unzile, en revivant la scène.
Elle est assise, mains crispées d’angoisse, au fond du cabinet d’Asli Kazan, l’avocate de son époux. Ce même vendredi 16 novembre, douze autres personnes, universitaires, journalistes et figures de la société civile, ont elles aussi été arrêtées dans les mêmes conditions – dont l’une dans un hôtel de Kas, sur les bords de la Méditerranée, où...