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L'Union européenne rembarre la Confédération suisse

01 juin 2011, 10:54

Le «dialogue» que Berne et l'UE s'apprêtent à nouer sur l'extension à la Suisse du champ d'application du code de (bonne) conduite que les Vingt-sept ont adopté dans le domaine de la fiscalité des entreprises s'annonce compliqué. L'Union refuse - pour le moment, en tout cas - de satisfaire à une revendication helvétique: la suppression, au préalable, des mesures anti-abus que certains Etats ont mises en œuvre à l'encontre des entreprises opérant dans la Confédération.

En vigueur depuis 1998, le code de conduite impose aux Etats de l'UE de démanteler les mesures fiscales qui engendrent une concurrence fiscale dommageable au sein de l'Union et de s'abstenir de leur substituer des régimes équivalents. Jusqu'à présent, plus de 300 mesures nationales ont été examinées et une centaine d'entre elles, jugées nuisibles, abolies.

En juin 2010, les ministres des Finances des Vingt-sept ont invité la Commission européenne à engager un «dialogue» avec la Suisse et le Liechtenstein, en vue de les convaincre d'appliquer les principes du code et les critères retenus en vue de déceler des problèmes (avantages fiscaux réservés aux non-résidents, niveau d'imposition nettement inférieur à la moyenne nationale, etc.). L'Union entend mener ce «dialogue» en parallèle avec les discussions - bloquées par l'Italie - qu'elle a entreprises il y a plusieurs années déjà avec la Suisse sur certains régimes fiscaux cantonaux que les Vingt-sept jugent incompatibles avec le bon fonctionnement de l'accord de libre-échange que l'Helvétie et l'UE ont conclu en 1972.

Un «dialogue sur le dialogue» s'est ouvert en juillet 2010, afin de fixer les paramètres des négociations formelles à venir, qui s'annoncent difficiles. D'une part, les approches divergent: celle de l'Union est doctrinaire, celle de la Suisse pragmatique - Berne accepte de discuter de cas concrets, mais refuse par principe de se mettre aux normes du club communautaire, dont elle n'est pas membre. D'autre part, la Suisse n'entend pas faire de concession sans contrepartie à l'Union.

Les mesures anti-abus

Ainsi, souligne un diplomate, Berne a formulé une condition à l'ouverture de discussions officielles sur le code: elle réclame, au préalable, l'abolition des mesures anti-abus qu'ont mises en œuvre certains Etats membres du club communautaire et dont pâtit l'économie suisse.

Les Vingt-sept viennent d'opposer, provisoirement peut-être, une fin de non-recevoir à cette revendication. Leur groupe d'experts chargés de gérer le code «est d'avis qu'à ce stade des discussions avec la Suisse, on ne peut pas considérer que les mesures anti-abus font partie des discussions», relève le rapport qui a été rédigé à l'intention des ministres des Finances européens, qui se réuniront le 20 juin à Luxembourg.

Les clauses anti-abus que de nombreux pays de l'UE ont intégrées dans leur législation visent principalement à empêcher des sociétés résidentes de se soustraire à la fiscalité nationale en transférant des recettes à des filiales établies dans des pays à faible niveau d'imposition. Les Etats-Unis ont été les premiers à introduire de telles mesures, dites «CFC» (Controlled Foreign Corporations) en 1962. De nombreux pays européens leur ont emboîté le pas. L'Italie, par exemple, surtaxe (de 10%) les bénéfices imposables des sociétés italiennes qui disposent d'une filiale en Suisse, et inversement, sous le prétexte que la Suisse représente à ses yeux un paradis fiscal. La possibilité d'appliquer ces mesures CFC au sein même de l'Union a été limitée par la Cour de justice de l'UE, dans le cadre de plusieurs affaires.

Certes, ont estimé les juges européens, la nécessité de lutter contre l'évasion fiscale peut justifier des restrictions à la liberté d'établissement des sociétés. Mais à condition qu'il s'agisse ainsi de faire obstacle à des «montages fiscaux purement artificiels», qui doivent être démontrés. Pour le reste, interdiction d'établir des discriminations au sein du marché intérieur.

La situation est différente en ce qui concerne les relations avec les pays non membres de l'Espace économique européen (EEE): la législation et la jurisprudence de l'UE sont moins restrictives à leur égard, souligne une communication «sur l'application des mesures de lutte contre les abus dans le domaine de la fiscalité directe» que la Commission a publiée en 2007. Ce qui hérisse la Suisse.

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