C’est une vague couleur saumon qui emporte tout sur son passage, bousculant les codes du marché viticole. Malgré un tassement pendant l’épidémie de Covid-19, le rosé progresse un peu partout. C’est le cas des Etats-Unis mais aussi en France, à la fois plus grand producteur et plus grand consommateur de rosé.

Ce dernier représente désormais plus de 30% de la production nationale alors qu’il n’atteignait pas 10% il y a 20 ans. Porté par la Provence, ce développement spectaculaire touche aussi la très aristocratique Champagne, où les ventes de bulles à la couleur rosée ont doublé en dix ans.

Au niveau mondial, la part de marché du rosé est passée de 8,4% en 2002 à 10,5% en 2019, selon l’Observatoire mondial du rosé. La Suisse n’échappe pas à la tendance, portée par les vins importés. La part des rosés locaux, calculée pour la première fois en 2022 par l’Office fédéral de l’agriculture dans son rapport «L’année viticole», atteint 7,7% de la production totale.

Avec un trend positif, comme le montre la légère progression des rosés suisses vendus dans la grande distribution (+0,3%) l’an dernier alors que le volume global des achats de vins suisses baissait lui de 11,9%.

L’ancrage local

Frais et festifs, les rosés sont vendus en majorité pendant la saison estivale. En Suisse, la saisonnalité semble un peu moins importante – l’œil-de-perdrix neuchâtelois, largement copié, est ainsi vendu toute l’année. L’ancrage régional reste un élément déterminant. «Dans notre magasin de Gland, on vend des rosés vaudois et des rosés genevois dans celui de Genève», synthétise Eric Durret, ancien meilleur sommelier d’Europe et actuel directeur commercial du Caveau de Bacchus.

Le spécialiste met en garde contre la tentation de vouloir profiter de l’effet d’entraînement générés par le succès des rosés de Provence, avec leurs robes roses pastel et leur aromatique souvent caractéristique (fruits exotiques, bonbon anglais). «Il est important de garder des spécificités locales. Il y a toujours une clientèle pour des rosés de caractère, moins pâles, moins gris, sans douceur en bouche.»

L’accessibilité du rosé est l’un de ses principaux avantages par rapport aux autres vins: il est le plus souvent bon marché et ne nécessite pas de connaissances en matière de cépage, de terroir ou de millésime. L’exact contraire des crus classés devant lesquels les néophytes se sentent démunis. Il possède aussi une dimension festive, comme le champagne, avec des marques très fortes comme les domaines Ott, château d’Esclans ou château Minuty.

Un saut qualificatif d’importance

Selon Paolo Basso, meilleur sommelier du monde 2013 devenu producteur au Tessin, le rosé a gagné sa place à table grâce à l’important saut qualitatif réalisé ces 10 dernières années. «C’est un vin séducteur, par sa couleur, mais aussi très polyvalent.

Il y a des rosés frais et léger, d’autres plus complexes, proches d’un vin rouge. Cela offre beaucoup de possibilités pour les accords mets et vins. Le Tessinois, qui produit lui-même un rosé, est convaincu que la progression va se poursuivre ces prochaines années. «Depuis 9 ans que je sélectionne les vins pour la compagnie Air France, la consommation de rosé n’a cessé d’augmenter. Mon espoir est que les consommateurs suisses soient de plus en plus nombreux à boire des rosés locaux.»

L’Observatoire mondial du rosé partage l’optimisme de Paolo Basso; selon ses projections, la consommation mondiale devrait passer de 26 à 30 millions d’hectolitres d’ici à 2035. Avec de fortes progressions en Europe, aux Etats-Unis et en Asie, le marché émergeant.

Le rosé, c'est le tube de l’été!

Le vin à la robe pastel ne cesse de gagner des parts de marché. Les crus suisses progressent aussi, tout en gardant leurs spécificités.