Les événements du monde – Covid, climat, conflits – nous donnent le spectacle d’une humanité déchirée, écartelée entre ses désirs d’unité et le caractère inéluctable des intérêts particuliers qui meuvent acteurs de l’histoire et nations en compétition. Le discours politique peine à y trouver sa crédibilité, et les religions elles-mêmes, christianisme compris, éprouvent les pires difficultés à tenir des positions éclairantes et cohérentes. La métaphore biblique du déluge semble le plus appropriée à exprimer ce sentiment de chaos et de fatalité.

Pouvons-nous sortir d’une telle détresse et retrouver des raisons d’espérer et des motivations d’agir? Cela est d’autant plus nécessaire que tout un plan de la pensée contemporaine, en ses ancrages les plus positifs, veut nous encourager à persévérer dans le bon sens, en nous fournissant des arguments scientifiques et philosophiques solides. Le temps ne serait donc pas au désespoir et au catastrophisme, mais, au minimum, à un «catastrophisme éclairé» (Jean-Pierre Dupuy).

Ne devons-nous pas plutôt choisir entre l’optimisme irréductible et le pessimisme délétère?

L’expression de Dupuy a pu paraître paradoxale, voire psychologiquement et stratégiquement contradictoire, comme si nous pouvions vivre d’espoirs aussi antagonistes. Ne devons-nous pas plutôt choisir entre l’optimisme irréductible et le pessimisme délétère? Aussi bien la raison politique que l’idéologie chrétienne bien comprise semblent aller dans le sens d’un règne ultime du salut, ou, en termes plus profanes, d’une victoire du bien et du bonheur.

Nous serons cependant plus prudents et davantage réalistes. L’avance vers le royaume des cieux (pour parler le langage de l’eschatologie judéo-chrétienne) n’est pas séparable de l’épreuve de la croix et de la tragédie. La joie de Noël ne va pas sans les défis du mal et de la haine, que la foi, comme la raison, entendent combattre jusqu’à leurs dernières racines.

On pourra sans doute préférer alors un optimisme instruit à un catastrophisme éclairé. Histoire de ne pas abandonner nos humaines espérances aux déchirures trop cruelles du monde contemporain.

Une humanité déchirée

Face aux turpitudes actuelles du monde, Denis Müller, théologien et éthicien, professeur honoraire de l’Université de Genève, préfère un «optimisme instruit» au «catastrophisme éclairé» de Jean-Pierre Dupuy.