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Procès Kerviel: la Société générale "savait", selon un témoin

Philippe Houbé, salarié d'une filiale de la Société générale, a affirmé jeudi que des "responsables" connaissaient les positions sur les marchés de Jérôme Kerviel.

14 juin 2012, 18:19
Jérôme Kerviel a tenté de s'expliquer mercredi devant la cour d'appel de Paris sur les débordements dont il était l'auteur et qui ont abouti à une perte historique de la Société Générale.

Philippe Houbé, salarié de la société de courtage Newedge (ex-Fimat), filiale de la Société générale, a affirmé jeudi que des "responsables" de la SocGen "connaissaient" les positions prises sur les marchés par Jérôme Kerviel. Ils "n'ont pas assumé leurs responsabilités", a-t-il déclaré au sixième jour du procès de l'ancien trader.

"Ils ont préféré salir l'entreprise en la faisant passer pour un espèce de bazar qui part à vau-l'eau" afin de "garder leur poste", a lâché M. Houbé, devant la cour d'appel de Paris. Jérôme Kerviel est rejugé pour avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à son ancien employeur en masquant ses positions.

Le témoignage de M. Houbé était attendu: le salarié de Newedge était longtemps resté anonyme et annoncé comme clé par la défense. L'homme de 55 ans, "en instance de divorce", a déclaré "ne pas supporter l'injustice" pour expliquer s'être présenté à l'avocat de Jérôme Kerviel, David Koubbi. Pour lui, les dirigeants de la banque "ont insulté la profession, le bon sens et la justice".

M. Houbé a affirmé que les opérations de Jérôme Kerviel étaient "évidemment" connues. "A l'époque, on ne parlait pas de Jérôme Kerviel mais d'un gros compte à la Société générale". Le témoin se souvient ensuite d'une "altercation" au sein de Fimat qui "tournait autour de l'activité de ce compte". "Les opérations exécutées pour Jérôme Kerviel étaient stockées sur un compte d'attente", a-t-il déclaré.

"Là, on parle de milliers de contrats qui passaient des nuits en attente. Une opération doit normalement être imputée dans l'heure qui suit", a martelé M. Houbé pour qui "tout cela créait une tension extraordinaire (...) qui venait des volumes traités pour Jérôme Kerviel".

La venue de Philippe Houbé a rendu l'ambiance électrique dans la première chambre de la cour d'appel. Me Frederik Kanel Canoy, avocat de petits porteurs ayant perdu plusieurs millions d'euros dans cette affaire, s'en est pris à Me Jean Veil, conseil de la SocGen. Le visage rouge de colère, l'avocat de parties civiles lui a asséné qu'il "passait son temps à dormir".

Peu avant, M. Houbé avait dit à Claire Dumas, représentante de la Société générale, qu'elle "faisait des contorsions magnifiques pour compliquer ce qui finalement est très simple". Depuis le début de l'audience, elle affirme que Jérôme Kerviel avait été "ingénieux" pour cacher ses positions. Ce que l'ancien trader nie.

La cour s'est attelée jeudi matin à comprendre le "débouclage" des positions de Jérôme Kerviel en janvier 2008 par la Société générale. Ce débouclage aurait fait perdre 4,9 milliards d'euros à la banque. Selon la défense, la SocGen aurait en réalité profité de ces énormes ventes pour mettre sur le dos de Jérôme Kerviel d'autres pertes.

Maxime Kahn, le trader qui a "débouclé" les positions à hauteur de 50 milliards d'euros prises par Jérôme Kerviel, a estimé que ces sommes étaient "surnaturelles" mais qu'il "ne savait pas ce qu'il débouclait" à l'époque. "J'ai su a posteriori que c'était les positions de Jérôme Kerviel".

M. Kahn, 41 ans, costume noir et chemise blanche, a expliqué à la cour que la Société générale "ne pouvait pas conserver ces positions". "Il y avait un risque de ne plus être solvable", a souligné celui qui a vendu les positions prises par M. Kerviel en trois jours.

Selon lui, les risques étaient réels: "Les marchés interbancaires ne nous auraient plus prêté (...) La solvabilité de la banque était remise en question, on n'avait pas les fonds propres". Par ailleurs, "il n'était pas dans l'intérêt de la Société générale que le marché sache qu'on vendait pour 50 milliards" en trois jours, a noté M. Kahn. "Les consignes étaient de ne pas porter atteinte à l'intégrité des marchés, d'où la confidentialité de l'opération".

Rappelé à la barre dans l'après-midi, après les déclarations du témoin de la défense, il a dit "ne pas savoir en 2007" les positions prises par le trader.

L'ancien trader a été reconnu coupable en octobre 2010 d'"abus de confiance", d'"introduction frauduleuse de données", ainsi que de "faux et usage de faux" par le tribunal correctionnel de Paris, écopant notamment de trois ans de prison ferme.

Depuis le début du procès, il y a dix jours, Jérôme Kerviel affirme qu'il a été manipulé par sa hiérarchie. Elle ne l'aurait "pas freiné", mais "au contraire encouragé".

Il est reproché à l'ancien trader d'avoir pris des positions financières hors des limites autorisées par la banque, jusqu'à 50 milliards d'euros en janvier 2008, en les masquant par des opérations fictives ou en produisant des faux pour les justifier.

L'audition de Daniel Bouton, ancien PDG de la Société générale, est attendue le 21 juin dans l'après-midi. Le procès doit s'achever le 28 juin et la décision sera mise en délibéré. AP

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