Pourquoi on vous en parle?

Car le nombre de cyberattaques contre des entreprises suisses a explosé ces deux dernières années. Depuis le début de l’année, le Centre national pour la cybersécurité (NCSC) a comptabilisé 19’580 rapports sur des «cyberincidents», contre 10’606 en 2020, selon les chiffres publiés sur son site web. Les annonces pour des attaques aux «rançongiciels» ont même triplé en 2021.

Dans Le Matin Dimanche, le responsable du réseau national de soutien aux enquêtes dans la lutte contre la criminalité informatique Serdar Günal Rütsche indique qu’il faudrait même multiplier par vingt le nombre des annonces pour avoir une estimation réaliste. Dernières victimes connues en date, la société immobilière lausannoise DBS Group et les éditions Slatkine, selon des informations du Temps, de la RTS et du journal GHI.

Les «rançongiciels», c’est quoi?

C’est le type de cyberattaque la plus répandue contre des entreprises. Aussi nommé «ransomware», le «rançongiciel» est un logiciel malveillant, souvent envoyé dans des e-mails douteux avec pièce jointe, qui peut faire arrêter de fonctionner tous les ordinateurs, e-mails ou téléphones d’une organisation en chiffrant les données, explique le site web spécialisé Numerama.

Les responsables de l’attaque proposent alors de régler le problème (et donc de déchiffrer les fichiers) en déposant sur chaque appareil contaminé une note de rançon, parfois en cryptomonnaies, avec un moyen de contact. Les victimes ont alors généralement une dizaine de jours pour décider de la payer ou non.

Pourquoi des entreprises romandes paient la rançon?

Dans le monde, près de 2 entreprises sur 5 paieraient la rançon, qui représente entre 3% et 5% du chiffre d’affaires annuel d’une société, selon le spécialiste en cybersécurité Abdelkader Cornelius, interrogé en octobre dans le magazine alémanique Beobachter. Mathias Fuchs, de la société zougoise Infoguard, estime quant à lui dans 24 heures que 30 à 50% des sociétés décident de payer.

Victimes d’une attaque début novembre, les éditions Slatkine, basée à Chavannes-de-Bogis dans le canton de Vaud, ont par exemple choisi de payer la rançon. «Le montant était tout à fait raisonnable par rapport aux coûts que nous aurions dû engager pour remonter tout le système et récupérer l’ensemble de nos archives», a expliqué son directeur Ivan Slatkine à la RTS mercredi. Une société spécialisée a été mandatée pour contacter et négocier avec les hackers, qui demandaient un paiement en bitcoin.

Le montant était tout à fait raisonnable par rapport aux coûts que nous aurions dû engager.

Ivan Slatkine, directeur des Editions Slatkine, à la RTS

Cet été, plusieurs entreprises genevoises partageant le même prestataire informatique ont décidé de se rassembler pour payer la facture en bitcoin. «L’enjeu était trop important, c’était malheureusement la seule chose qu’il y avait à faire pour protéger ce qu’il y avait à protéger», a justifié l’une d’entre elles au Matin Dimanche en début décembre. Les hackers ont alors donné une clé de déchiffrement qui leur a permis de récupérer leurs données.

Pourquoi d’autres sociétés refusent?

La majorité des entreprises choisiraient néanmoins de ne pas céder au chantage en tentant de reconstruire leur système informatique à partir de leurs sauvegardes.

Face à l’attaque subie début décembre, DBS et sa maison-mère Foncia ont refusé de payer la rançon pour «ne pas créer un précédent», a indiqué à l’AWP lundi le directeur général du groupe immobilier lausannois Christophe Hubschmid. L’entreprise va déposer une plainte, selon la RTS. Les documents subtilisés ont été publiés sur le darknet, ce réseau alternatif à Internet où les échanges sont anonymes mais qui reste à la portée de tous. D’après Le Temps, 2145 fichiers, dont des plans, des factures avec coordonnées bancaires, des contrats de bail, des e-mails et des photos d’appartements et de maisons, sont consultables en ligne.

Nous n’avons pas voulu créer un précédent.

Christophe Hubschmid, directeur général de DBS, à l’AWP

En août, la fondation vaudoise Le Relais a elle aussi «dit non» aux hackers mais a tout de même eu besoin de 6 semaines pour reprendre le contrôle de son système, rapporte le Matin Dimanche.

Que recommandent les autorités?

Comme c’est le cas dans d’autres pays, la police et la Confédération recommandent de ne pas payer la rançon. Car le faire, c’est faire confiance à des cybercriminels. «Il n’y a aucune garantie qu’ils ne publieront pas les données ou n’en tireront pas un autre profit après le paiement de la rançon», écrit le NCSC sur son site web. Selon le centre, une organisation qui envisage tout de même de le faire devrait discuter de ces opérations avec les polices cantonales.

DBS a par exemple indiqué lundi à la RTS avoir suivi les recommandations de la police «qui déconseille d’entrer en matière avec les malfaiteurs et à plus forte raison de payer les rançons car cela ne garantit aucunement qu’ils coopèrent».

En savoir plus: Face aux rançongiciels, les conseils du Centre national pour la cybersécurité aux entreprises

Yverdon victime d’une cyberattaque

La ville d’Yverdon-les-Bains a été la cible d’une cyberattaque ce lundi 10 janvier. Selon les premières investigations, l’impact paraît «très limité».