L'initiative populaire faisant du Tessin le premier canton suisse à interdire la burqa dans l'espace public n'est pas près de déployer ses effets. Pour peu qu'elle obtienne la garantie fédérale, cette nouvelle norme constitutionnelle ne sera pas effective avant deux ans, selon la Chancellerie cantonale.
Il appartiendra à l'Assemblée fédérale de vérifier que la nouvelle norme tessinoise, adoptée dimanche à près de deux contre un, soit conforme à la Constitution fédérale. Il est exceptionnel que les Chambres n'accordent pas leur garantie. Mais si tel était le cas, la nouvelle norme constitutionnelle serait alors inapplicable. "Tout tomberait à l'eau", a affirmé Francesco Catenazzi, le juriste du Département tessinois des institutions. Certains pensent, au Tessin, que Berne pourrait attendre la position de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg sur un recours concernant l'interdiction du port du voile dans les lieux publics en France, loi qui a inspiré l'auteur de l'initiative au Tessin.
Agenda confirmé
A Berne, on confirme l'agenda. Le Secrétaire de la Commission des institutions politiques des Chambres fédérales, Martin Graf précise qu'une fois reçue la demande tessinoise, il faudra entre six et douze mois au Conseil fédéral pour présenter un message au Parlement. Ce dernier examinera ensuite l'objet sous un angle juridique. Il s'agira de déterminer si l'interdiction de se masquer le visage dans le domaine public, donc implicitement de porter le voile, la burqa ou le niqab, respecte la liberté de religion et la protection de la sphère privée. En cas de garantie fédérale, un recours au Tribunal fédéral contre la législation tessinoise de la part d'un individu qui se sentirait discriminé aurait peu de chances d'aboutir, précise Martin Graf.
Le TF n'est cependant pas lié par la garantie fédérale, même si cela correspond à la pratique jusqu'à présent, ajoute-t-il. Dans le cas contraire, en l'absence de garantie fédérale, les perspectives d'un recours seraient bien meilleures.
Encore faudrait-il que, contrairement aux affirmations du juriste du Département des institutions, le Tessin passe en force en imposant sa nouvelle norme, et que des individus se sentent lésés. Or, selon diverses sources, le nombre de femmes portant la burqa au Tessin se compte sur les doigts d'une main.
Il serait aussi possible pour le Tessin de chercher à modifier la constitution fédérale. Mais ses chances sont faibles, après l'échec d'une initiative cantonale d'Argovie sur le même sujet. Celle-ci a été rejetée nettement en 2011 au Conseil des Etats, et seulement par 93 voix contre 87 au National il y a un an tout juste.
Une majorité a jugé qu'il n'est pas nécessaire de légiférer, le port de vêtements couvrant l'intégralité ou une grande partie du visage n'étant pas un réel problème en Suisse. Il ne concerne que 100 à 150 personnes par an et frapperait certaines touristes, avait alors déclaré le rapporteur de commission.