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Une étiquette avant la retraite

Le célèbre dessinateur Burki signe l'habillage d'un vin de Pierre Mandry.

03 juin 2014, 00:01
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suter@lacote.ch

Sa casquette noire vissée sur la tête, ses cheveux grisonnants bouclant joliment sur les côtés, le dessinateur de presse attitré de "24heures" depuis 1976, nous regarde de ses beaux yeux bleus et lève son ballon de blanc pour trinquer. A l'heure de l'apéro, ce bon Vaudois précise immédiatement que son nom de famille ne prend pas de tréma sur le U, " mon grand-père a payé pour le faire enlever " précise-t-il, fier d'être Vaudois.

Installé sur la petite terrasse de la vinothèque "le Garage", à Founex, Raymond Burki est venu accrocher quelques-uns de ses meilleurs dessins liés à la vigne et au vin. Il vient de signer une étiquette cuvée "Spécial Michel Pont" qui s'affichera sur du pinot blanc, un assemblage rouge, un gamaret en barrique et un mousseux, étiquette illustrée avec le célèbre entraîneur assistant de l'équipe suisse de football. Le crieur public de Founex, Pierre Mandry, s'est offert les services de ces deux célébrités pour la bonne cause, puisqu'il reversera une contribution à la Fondation Sportsmile sur chacune des bouteilles spéciales vendues. Le fruit de la vente du dessin original de l'étiquette, qui sera mis aux enchères, sera également reversé à la Fondation.

 

Un regard vif sur le monde

 

Vieux soixante-huitard, comme il se décrit lui-même, plutôt "pessimiste heureux" qu'optimiste, Raymond Burki pose un regard critique sur le monde d'aujourd'hui. " Comme le disait Wolinski, "dans un monde optimiste, il n'y a pas besoin de caricaturistes". On n'est pas là pour dessiner des petites fleurs, mais pour mettre le doigt là où ça fait mal ", résume-t-il.

Chaque jour, le dessinateur, qui se veut plus caricaturiste que journaliste, assiste à la séance de rédaction au siège du quotidien vaudois. Puis, dans son bureau, il cogite sur l'actualité du jour et propose quelques idées sur deux ou trois sujets. Il n'est jamais à court d'idées. La décision finale est discutée avec le rédacteur en chef, " sans pression ", précise-t-il.

 

"Je n'ai pas de tabou"

 

" Il est important d'avoir totale liberté de s'exprimer. Je ne m'interdis rien. Je n'ai pas de tabou. Parfois, je suis content de moi, parfois moins. Lorsque l'on voit que certains dessinateurs ont été condamnés à mort pour avoir dessiné le Prophète, on se dit qu'on vit dans un monde qui va mal. Mais cela a toujours été, même si les mentalités évoluent. A une époque, caricaturer le pape me valait une avalanche de courrier. Aujourd'hui, tout le monde s'en fout. Par contre, si l'on se permet d'exprimer une opinion sur le conflit israélo-palestinien, on se fait immédiatement taxer d'antisémite", regrette-t-il. " Je trouve que le monde va de pire en pire. Lorsqu'on voit ce qu'il se passe avec les banques, ces gangsters, ces bandits, ces criminels... "

Passionné de politique, c'est en lisant Charly Hebdo, alors qu'il avait fui à Paris pour échapper à l'Ecole d'officiers de l'armée suisse, que le jeune retoucheur photos a fait ses armes. " Je détestais l'armée, et je la déteste toujours. Ils voulaient que je grade. C'était exclu! Ado, je voulais être dessinateur de mode. C'est finalement un petit peu ce que je fais aujourd'hui!" , lance-t-il en riant. Et d'ajouter: " Il y a des personnalités qui sont un régal à caricaturer: Couchepin, Ueli Maurer, Doris Leuthard, c'est du gâteau. Maintenant, Brélaz, ça devient de plus en plus difficile. Avant, il fallait un compas pour le dessiner, maintenant, une règle suffit ", se marre-t-il. Ses dessins parlent d'eux-mêmes, nul besoin de bulle avec des dialogues pour les comprendre. " C'est bien Vaudois, rit-il. On s'exprime peu, mais on n'en pense pas moins..."

 

La retraite à la fin de l'été

 

Après quarante ans de métier, Raymond Burki se réjouit de prendre sa retraite. Le dessinateur quittera la presse à fin août. Mais il ne laissera pas tomber ses crayons. " Je continuerai à dessiner, mais pas pour la presse. Peut-être encore quelques étiquettes de vin..."

En attendant, il travaille à la sortie d'un nouveau livre, ainsi qu'à la mise en place d'une exposition rétrospective à l'automne. " Si j'ai envie de faire une dépression, je la ferai. Et si j'ai envie d'aller au bistrot du coin, j'irai au bistrot du coin. Et tous les jours si ça me chante!", conclut-il en terminant son ballon de blanc, ses yeux illuminant son visage. Santé Burki!

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