La décision relève au final de la compétence du Conseil fédéral, mais la commission ne veut pas porter la responsabilité, a expliqué devant la presse son président Jakob Büchler (PDC/SG). Pour la majorité, les considérations de sécurité et les relations avec la Chine prévalent sur l'action humanitaire.
Dans une lettre envoyée avant Noël à la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, l'ambassade de Chine à Berne avait demandé à la Suisse de ne pas accueillir deux frères Ouïgours actuellement détenus à Guantanamo et considérés par Pekin comme des terroristes présumés. Les relations sino-suisses pourraient être mises à mal, avait-elle menacé.
Ce dernier aspect n'est intervenu qu'en quatrième position dans les considérations de la commission, a assuré Yvan Perrin (UDC/NE), tout en reconnaissant que la majorité a «manifestement préféré se fâcher avec les Etats-Unis plutôt qu'avec la Chine».
Ouzbek pas remis en question
La commission considère que c'est aux Etats-Unis de résoudre le problème de Guantanamo. En décidant d'admettre déjà un prisonnier ouzbek à Genève, la Suisse en a déjà fait assez, selon Yvan Perrin.
Les récentes tentatives d'attentats ont en outre montré que le risque de terrorisme n'a pas disparu, a relevé le Neuchâtelois, tout en reconnaissant que les deux Ouïgours n'y sont pas liés.
«Campagne de dénigrement»
La position de la commission sera prise en compte par le Conseil fédéral, a assuré Eveline Widmer-Schlumpf à la commission, selon Jakob Büchler. Mais la ministre de justice et police, qui doit prochainement rencontrer le gouvernement jurassien, devra également tenir compte d'avis favorables à l'accueil des deux Ouïgours.
Le groupe parlementaire pour les droits humains, dont fait notamment partie le conseiller aux Etats Dick Marty (PLR/TI), lui demande dans une lettre ouverte de ne pas céder à la pression. «Une campagne de dénigrement vis-à-vis de ces deux personnes a été lancée par les autorités chinoises qui ont affirmé que ces deux personnes étaient de dangereux terroristes», écrit ce groupe parlementaire.
Et de rappeler que contrairement aux déclarations chinoises, ces deux frères ne figurent sur aucune liste internationale et n'ont jamais eu de liens avec un quelconque mouvement terroriste. «La Suisse peut et doit donc les accueillir à titre humanitaire pour leur offrir une possibilité de reconstruire une vie dans la dignité et la sécurité.»
Risques de persécutions
Un avis partagé par Amnesty International, qui rappelle que les deux Ouïgours risquent d'être persécutés s'ils retournent en Chine. Vingt-deux personnes de l'ethnie ouïgoure, une minorité turcophone et musulmane du nord-ouest de la Chine, ont été capturés en Afghanistan et détenus à Guantanamo.
Ils ont tous été innocentés et peuvent être libérés. Cinq ont été accueillis par l'Albanie en 2006, quatre par les Bermudes en juin et six par l'archipel de Palau, dans l'océan Pacifique, en octobre. /ats
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