Favori à la succession du conseiller fédéral Didier Burkhalter, Ignazio Cassis, âgé de 56 ans, est venu à la politique sur le tard. En dix ans au Conseil national, le lobbyiste des assureurs maladie a glissé à droite, mais il continue de soutenir la légalisation du cannabis. Son parcours est marqué par l'imprévu.
D'aucuns planifient leur carrière avec précision et poursuivent leurs buts coûte que coûte. Ignazio Cassis n'est pas de ceux-là. "Dans ma vie, j'ai peu planifié", confirme à l'ats le Tessinois de 56 ans. Il ne comptait pas devenir médecin, pourtant il étudie la médecine. Pensant alors ouvrir son propre cabinet à Lugano, il décroche le poste de médecin cantonal.
Le destin s'en est aussi mêlé: enfant, Ignazio Cassis a perdu un auriculaire, ce qui l'a contraint à abandonner le piano pour la trompette, et le lancer du poids pour la course à pied.
Sa carrière politique, le natif de Sessa (au sud du canton) ne l'a pas prévue non plus. En 2003, alors que le PLR tessinois cherche à inscrire un médecin sur sa liste en vue des élections fédérales, il accepte et termine premier des "viennent ensuite". Puis, après l'élection de Laura Sadis au Conseil d'Etat en 2007, M. Cassis prend sa place au Conseil national, à l'âge de 46 ans.
"Je ne changerais rien", assure Ignazio Cassis à propos de son parcours. Sauf une chose: les enfants. Marié à Paola Rodoni Cassis, médecin à Lugano, il n'a pas eu de descendants. A Berne en semaine, il retrouve son épouse au Tessin le week-end.
"Krankencassis"
Depuis dix ans, le Tessinois siège donc dans les rangs du PLR au National. Il est président du groupe parlementaire libéral-radical depuis fin 2015. Dans son canton d'origine en revanche, l'homme n'a pas laissé d'empreinte politique; c'est un vrai parlementaire fédéral.
Dans la capitale, Ignazio Cassis s'est concentré sur la politique de la santé et des assurances sociales. Il est perçu comme le lobbyiste des caisses maladie, puisqu'il est à la tête de l'association des assureurs maladie Curafutura, de la faîtière des EMS Curaviva, de la fondation Equam active dans les soins ambulatoires, et de Radix, centre national pour le développement et la mise en œuvre de mesures de santé publique.
Un engagement qui lui vaut le surnom de "Krankencassis". Dans une interview accordée au Tages-Anzeiger et au Bund, il s'étonne des critiques formulées à propos de ses mandats, et rétorque en disant: "On pourrait penser que les assureurs maladie sont une organisation terroriste comme l'Etat islamique".
Le candidat au Conseil fédéral accueille néanmoins les critiques avec fair-play. "Tout dépend de la manière dont on dit les choses", souligne-t-il. Et d'évoquer le surnom dont il a hérité alors qu'il était un enfant binoclard: "Quattr'öcc" ("Quatre yeux" en dialecte).
Cassis et cannabis
Politiquement, M. Cassis se situe au centre du PLR, comme l'illustre une évaluation du politologue Michael Hermann: libéral sur le plan économique et critique envers l'Etat. Au Conseil national, le député a progressivement glissé vers la droite parce qu'il a mieux compris certaines interdépendances, a-t-il expliqué dans une interview. Il oeuvre en faveur de solutions libérales et contre le paternalisme.
S'il était élu, le Conseil fédéral pencherait davantage à droite. Toutefois, le Tessinois se décrit comme un libéral non seulement au niveau économique, mais aussi sociétal. Son engagement en faveur de la légalisation du cannabis le montre bien: cette problématique l'accompagne depuis la fin des années 1990.
Officiant dans la médecine préventive, le médecin cantonal Ignazio Cassis devient en 1997 membre de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues. A l'époque, de nombreuses villes tentent de lutter contre les scènes ouvertes de la drogue, qui illustrent l'échec d'une politique purement répressive.
Partisan de la légalisation du cannabis (possession et consommation), le conseiller national soutiendra par la suite l'initiative pour la dépénalisation, que le peuple rejettera à 63,2% dans les urnes en 2008.
Lui-même l'admet sans ambages: il a déjà fumé du cannabis. Mais dans une interview publiée sur le site Tagesanzeiger.ch/Newsnet, il dit avoir seulement essayé, et n'avoir pas remarqué de différence avec la cigarette. Son expérience avec la drogue s'arrête là.