Meinrad Pittet, expert fédéral en caisses de pensions et directeur général de «Pittet Associés» (Genève), se montre critique à l'égard de ce projet. Non pas à propos du raisonnement technique qui aboutit à ce taux de 6,4%. Mais du fait qu'il est inspiré des assureurs privés, qui ont l'habitude d'inclure dans leur calcul des marges de sécurité importantes.
Le taux de conversion (qui sert à calculer la rente annuelle d'un assuré à partir de son épargne) n'est pas seulement lié à l'espérance de vie, mais aussi aux rendements attendus des placements des caisses de pensions. Or, en utilisant pour calculer le taux de conversion un taux d'intérêt technique faible, on fait preuve d'une frilosité injustifiée, dit l'expert.
Des rendements de l'ordre de 2,5% correspondent aux placements sans risques (obligations de la Confédération). Or, les caisses de pension disposent aussi d'actions, d'immeubles et d'autres placements. Dans le cas d'un portefeuille composé de manière équilibrée, on peut espérer sans optimisme excessif des rendements de 4,5%, assure Meinrad Pittet.
Mercredi, l'Association suisse des assureurs jugeait encore trop risqué le taux de conversion de 6,4%, affirmant qu'il faudrait au moins descendre à 6%. Même alarmisme pour le rendement minimum de 2,5%. Ceux qui adoptent une telle attitude, dénonce l'expert genevois, «ne travaillent pas à la crédibilité de la prévoyance professionnelle à long terme».
«On ne peut pas descendre en dessous d'un certain seuil sans discréditer le 2e pilier aux yeux des assurés», prévient-il. Le procès d'intention n'est pas loin: si la prévoyance professionnelle est, à terme, délaissée au profit d'un 3e pilier purement privé, on ne manquera pas de désigner les assurances comme les principales bénéficiaires.
Le fossé se creuse, dit-il, entre les fondations collectives des compagnies d'assurances et le monde des caisses de pension autonomes, fonds communs et collectifs indépendants de tout lobby. «Et il se creusera tant que les assureurs verront le 2e pilier comme une assurance privée générant des bénéfices, et non comme une assurance sociale dont le coût doit être évalué au plus juste».
Conscient d'affronter un puissant lobby, Meinrad Pittet n'en pense pas moins qu'il faudrait sortir les assureurs du 2e pilier, dont la gestion serait confiée aux fondations communes réparties par branches d'activité ou interprofessionnelles. Avec un système de réassurance qui, lui, serait bien de la compétence des assureurs. / FNU