Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Quand l’habitat se met au service des plus démunis

Plus d'un demi-million de personnes vivent dans la pauvreté en Suisse. En conséquence, nombre d'entre elles vivent dans un logement qui n’est pas adapté.

25 avr. 2020, 05:00
Le mouvement squat est à l'origine des actuelles coopératives d'habitants.

La Suisse occupe régulièrement les premières places des classements internationaux en matière de prospérité. Or, cette réalité en occulte une autre, moins glorieuse. Près de 600 000 personnes vivent dans la pauvreté et nombre d’entre elles habitent dans des logements qui ne sont pas adaptés, selon une étude de la Conférence suisse des institutions d’action sociale et de la Haute école du nord-ouest de la Suisse parue en 2016.

Ces appartements sont souvent mal situés, de mauvaise qualité ou dotée d’une surface réduite, de quoi maintenir leurs occupants dans le dénuement. Echapper à cette fatalité nécessite d’en avoir les moyens, car le coût du loyer constitue la première entrave à l’acquisition d’un logement adéquat pour plus de 80% des ménages pauvres. Ces derniers dépensent ainsi plus de 30% de leur revenu brut pour se loger, un taux jugé «excessif» par les chercheurs de cette étude.

Manque de logements abordables

L’une des solutions consisterait alors à augmenter le nombre de logements abordables. «Les logements sociaux représentent 5% du parc immobilier en Suisse, alors qu’ils atteignent un taux proche de 50% aux Pays-Bas», relève Luca Pattaroni, maître d’enseignement et de recherche au Laboratoire de sociologie urbaine (LASUR) de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).

Cette faible proportion s’explique en partie par le fait qu’en Suisse «une partie des logements sociaux est gérée par des acteurs privés», poursuit le sociologue. «Par conséquent, de nombreux immeubles finissent par regagner le marché libre.» Une réalité qui ne date pas d’aujourd’hui, puisque la construction de logements ouvriers au XIXe siècle, premières habitations dédiées aux classes populaires, fut le fait de sociétés philanthropiques privées, souligne le Dictionnaire historique de la Suisse.

Une partie des logements sociaux est gérée par des acteurs privés.
Luca Pattaroni, maître d’enseignement et de recherche au Laboratoire de sociologie urbaine (LASUR) de l’EPFL

«L’Etat a toujours mené une politique libérale en matière de logement. Il n’est intervenu que lors de conjonctures exceptionnelles, en particulier durant les conflits mondiaux, en réquisitionnant des logements, limitant les résiliations de loyer et interdisant les expulsions. Il a aussi régulé les prix des logements, considérés comme un bien de première nécessité, à partir de 1936 et jusqu’aux années 1960», détaille Marie Métrailler, doctorante au Centre de recherche sur l’action politique de l’Université de Lausanne (CRAPUL).

L’Etat a toujours mené une politique libérale en matière de logement. Il n’est intervenu que lors de conjonctures exceptionnelles, en particulier durant les conflits mondiaux.
Marie Métrailler, doctorante au Centre de recherche sur l’action politique de l’Université de Lausanne (CRAPUL)

Depuis, le marché s’est à nouveau libéralisé et ce sont les associations de locataires qui ont pris le relais, afin de garantir des loyers accessibles et des droits aux locataires. La votation sur l’initiative de l’Association suisse des locataires (Asloca) «Davantage de logements abordables» en février dernier en est la preuve.

Focus sur le mode de vie

Rien d’étonnant donc à constater que le thème du logement reste encore le parent pauvre de la politique sociale, selon les termes de l’étude mentionnée en préambule. Il faut dire que le droit au logement n’existe pas dans la Constitution suisse. Néanmoins, la Confédération définit le logement comme un besoin fondamental et stipule que les autorités doivent aider toute personne à se loger. Il existe ainsi tout un éventail de structures allant de l’abri d’urgence, pour ceux qui se retrouvent soudain à la rue, aux coopératives, en passant par les habitations à loyer modéré (HLM).

Une politique sociale du logement ne se résume pas à fournir un toit, sinon à garantir un environnement hospitalier. Il s’agit d’aménager des quartiers qui permettent aux gens les moins aisés de s’y maintenir.
Luca Pattaroni, maître d’enseignement et de recherche au Laboratoire de sociologie urbaine (LASUR) de l’EPFL

«Mais, une politique sociale du logement ne se résume pas à fournir un toit, sinon à garantir un environnement hospitalier. Il s’agit d’aménager des quartiers qui permettent aux gens les moins aisés de s’y maintenir», explique Luca Pattaroni. Et d’ajouter qu’en parallèle, les autorités assurent un suivi plus personnalisé des personnes les plus précaires via des programmes de «housing first» (ou «logement d’abord» en français). Ceux-ci visent à satisfaire un premier besoin, qui est celui de trouver un foyer à un sans-abri, avant de lui permettre de retrouver la santé ou un travail.

 

Cet article peut être lu dans notre magazine «Votre Habitat» de ce printemps 2020.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias