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Prisonniers de la forteresse Suisse

26 août 2011, 11:00

Des personnes enferm?es jusqu'? 18 mois sans avoir commis aucun d?lit, parfois confin?es 20 heures sur 24 en cellule, des possibilit?s d'occupation limit?es ou inexistantes, des tentatives de suicide en s?rie: la situation est d?plorable dans certaines prisons pour ?trangers en instance de renvoi.

La Commission nationale de pr?vention de la torture (CNPT), qui a visit? trois des 28 centres de d?tention administrative du pays, constate que le r?gime y est parfois plus s?v?re que pour les prisonniers purgeant une peine. Un comble, sachant que les ?trangers n'y sont pas plac?s ? la suite d'un d?lit, mais dans l'optique de pr?parer leur expulsion. Cette forme de d?tention d?coule de la loi f?d?rale sur les mesures de contrainte, accept?e en votation populaire en 1994.

Rapports critiques

Compos?e de sp?cialistes du domaine policier, judiciaire, m?dical et p?nitentiaire, la CNPT a d?j? visit? les centres de d?tention de l'a?roport de Zurich-Kloten, de Granges, en Valais, et de Realta (GR). Sur les deux premiers, cette commission rattach?e au D?partement f?d?ral de justice et police a publi? en 2010 et 2011 des rapports tr?s critiques. Son appr?ciation de la prison grisonne devrait ?tre connue en novembre. La CNPT se penchera sur d'autres ?tablissements et consacrera un rapport global ? la d?tention administrative.

?Le manque d'espace, de possibilit?s de sorties et d'occupations posent vraiment probl?me?, r?sume sa vice-pr?sidente, Elisabeth Baumgartner, avocate et charg?e de cours ? l'Universit? de Lucerne. ?Ce r?gime est adapt? ? de courtes p?riodes, de l'ordre de deux semaines.? Or, la d?tention se prolonge souvent durant des mois, et jusqu'? une ann?e et demie dans de rares cas. ?Les personnes sont sous une pression ?norme, car elles ne savent pas ce qui va leur arriver, si elles seront expuls?es et quand?, note Elisabeth Baumgartner. ?Je suis ?tonn?e qu'il n'y ait pas plus d'agressions dans ces centres.?

A la prison de Zurich (106 places), les incarc?rations de longue dur?e auraient tendance ? se multiplier dans le cas de personnes qui ne peuvent pas ?tre renvoy?es par la force. Ce ph?nom?ne laisse entrevoir une utilisation abusive de la d?tention administrative comme moyen de pression pour pousser les migrants ? quitter la Suisse. La dur?e moyenne de s?jour ?tait de 69 jours en 2010 et de 52 jours en 2011 ? Zurich, contre 37 jours au centre de Frambois (GE).

Les activit?s sont au mieux limit?es, comme ? Zurich, au pire inexistantes, comme ? Granges. Lors d'une pr?c?dente visite, en 2008, la CNPT avait pourtant demand? aux autorit?s valaisannes de mettre sur pied un programme d'occupation.

Visites des enfants exceptionnelles

Dans cette prison, dot?e de 18 places, les d?tenus - tous des hommes - sont confin?s 20 heures sur 24 dans des cellules ? deux lits, ?quip?es de toilettes turques. Lors d'examens m?dicaux ? l'ext?rieur de la prison, ils sont ligot?s. Les visites des enfants ne sont accept?es qu'exceptionnellement. Les femmes sont incarc?r?es ? la prison pr?ventive de Martigny ou de Brigue, alors que la loi impose des r?gimes s?par?s. Le Gouvernement valaisan a r?agi au rapport de la commission en commandant un audit de toutes les prisons du canton. Ses conclusions sont attendues pour la fin septembre.

Dans le centre zurichois, les conditions sont un peu moins rigoureuses. Mais encore trop aux yeux de la commission, qui demande aux autorit?s cantonales d'ouvrir un nouveau centre, moins carc?ral. Les ?trangers en instance de renvoi se trouvent dans le m?me b?timent que des prisonniers en pr?ventive, quoique dans une unit? s?par?e. ?Pour la plupart des d?tenus, le r?gime n'est ni ad?quat, ni proportionn?, note la CNPT dans son rapport.

Fin 2010, l'?tablissement zurichois a ?t? touch? par une vague de tentatives de suicide. Un ph?nom?ne que le canton, dans sa prise de position sur le rapport de la commission, ne s'explique pas autrement qu'en supposant un ?effet d'imitation?. En mars dernier, un d?tenu est parvenu ? mettre fin ? ses jours. Le personnel est sous tension, et arrive ?aux limites de ses capacit?s?, souligne la CNPT.

Des efforts trop co?teux

Le Gouvernement zurichois pr?voyait de construire un nouveau centre pour 2014. Mais ?le projet a ?t? biff? de la planification financi?re pour des raisons d'?conomie?, indique Rebecca de Silva, porte-parole de l'Office cantonal de la justice. Il ne sera donc pas r?alis? avant 2016. Contrairement aux recommandations de la commission, le personnel n'a pas ?t? renforc?. ?Au vu de la situation financi?re tendue du canton de Zurich, une demande de postes suppl?mentaires serait vou?e ? l'?chec?, affirme la porte-parole.

Denise Graf, coordinatrice pour les droits humains en Suisse ? Amnesty International, d?nonce aussi les conditions d'incarc?ration ? Lucerne. ?Le centre de d?tention administrative se trouve sur le terrain d'une prison semi-ouverte, une sorte de ferme avec un potager o? les d?tenus - parmi lesquels des meurtriers en fin de peine - peuvent travailler. Mais pas les migrants, qui sont enferm?s dans une petite prison s?par?e. Le local destin? aux visites est exigu, d?pourvu de fen?tre et il y fait pr?s de 40 degr?s en ?t?!?

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