Les locataires passeront à la caisse en 2024. Suivant les différents scénarios, les loyers augmenteront en moyenne entre 5 et 10% au cours des premiers mois de l’année prochaine. La banque Raiffeisen table par exemple sur une progression de 8%.

Début juin, l’Office fédéral du logement (OFL) a relevé le taux d’intérêt de référence de 1,25% à 1,5%. Cette décision, qui se fonde sur le taux d’intérêt moyen des créances hypothécaires, ouvre la porte à des hausses de loyer de 3% dès octobre.

Seule la moitié des locataires est toutefois concernée: une telle augmentation n’est autorisée que si le contrat de bail est fondé sur l’ancien taux de 1,25%, valable depuis mars 2020.

Après une pause ce vendredi, l’OFL devrait procéder à une nouvelle hausse à 1,75% en décembre, avec en prime toujours une augmentation de 3% possible pour environ trois quarts des contrats de bail. Il faut remonter à mars 2017 pour retrouver un tel niveau.

Cercle vicieux

Ces résolutions dépendent de la politique monétaire de la Banque nationale suisse (BNS). Pour lutter contre l’inflation, l’institut d’émission devrait prochainement relever de 25 points de base son taux directeur à 2%. Conséquence: les taux d’intérêt hypothécaires devraient eux aussi progresser, ce qui entraîne une augmentation du taux de référence.

Qui dit hausse des loyers dit aussi renchérissement. Les loyers pèsent pour 20% dans le calcul de l’inflation.

En juin dernier, le patron de la BNS, Thomas Jordan, a justifié sa manière de faire. Il préfère la politique des petits pas à une hausse trop brutale du taux directeur. Ce taux est passé de moins 0,75% à 1,75% en cinq étapes.

Nous courrons droit à la catastrophe

Christian Dandrès, conseiller national genevois (PS)

Un argument qui ne convainc pas le conseiller national socialiste Christian Dandrès, pour qui l’action de la Banque centrale génère un dangereux cercle vicieux qui touche de plein fouet les locataires. Quelque 13% des dettes sur sol helvétique concernent le loyer ou un prêt hypothécaire.

«Nous courons droit à la catastrophe», prévient celui qui est également avocat à l’Association genevoise des locataires (Asloca). Et de mettre le doigt sur une absurdité: «Les grands propriétaires immobiliers – banques et assurances – construisent et achètent des logements avec leurs fonds propres. La hausse des taux ne les touche pas mais ils en tirent prétexte pour relever les loyers.»

Inflation et charges

Le spécialiste du droit du bail fait également remarquer que les bailleurs peuvent répercuter, en plus du taux de référence, une partie de l’inflation sur les loyers. Les loyers pourraient ainsi augmenter de 4% en 2024.

Sans oublier la hausse des charges. «Les décomptes de chauffage et d’eau chaude devraient déjà bondir de 40% cette année et progresser de la même manière en 2024», déplore l’élu socialiste.

Dans ce contexte, le Genevois propose au Parlement fédéral de réduire la marge de manœuvre des propriétaires, aussi longtemps que l’inflation s’avère supérieure à 1,5% ou 2%.

«Les bailleurs ne doivent plus être autorisés à majorer leurs loyers sans démontrer que le loyer de base n’est pas déjà abusif», détaille le conseiller national. Il chiffre à 10 milliards de francs par an la part des loyers touchés indûment par les propriétaires d’immeubles.

Les locataires peuvent toutefois contester un montant excessif auprès de l’autorité de conciliation en matière de bail, après signature du contrat ou suite à une notification de hausse de loyer. Christian Dandrès en convient mais relève que trop peu de personnes agissent, le plus souvent par peur. Il appartient au locataire de prouver le rendement abusif.

Le Conseil fédéral se montre lui sceptique quant à un moratoire sur les hausses de loyer abusives. A ses yeux, une augmentation du taux hypothécaire entraîne davantage de charges pour le propriétaire. Dans sa réponse à une motion sur ce sujet, il précise qu’à l’inverse, le locataire peut exiger une baisse de sa facture en cas de diminution du taux de référence.

Le conseiller national Olivier Feller (PLR/VD) dénonce l’agitation politique de l’Asloca en période d’élections fédérales. Et de rappeler que le taux de référence a reculé entre 2008 et 2022. Si le secrétaire de la Fédération romande immobilière se dit ouvert au débat, il faut le mener indépendamment de la conjoncture.

Construire davantage

Pour l’analyste auprès de Raiffeisen Suisse Michel Fleury, le nombre de logements doit impérativement augmenter, avec un taux de vacance de près de 1% en septembre. «De manière générale, il est difficile pour les locataires de quitter leur appartement même avec une hausse de loyer car les nouvelles locations mises sur le marché présentent un coût encore plus élevé», soutient-il.

Selon lui, la situation financière des locataires majoritaires en Suisse reste cependant meilleure que celle des personnes souhaitant accéder à la propriété. «La baisse des prix se fait toujours attendre dans ce dernier segment», précise-t-il. La hausse du prix des logements en propriété atteignait encore 5% récemment. Et, entre 2016 et 2022, la croissance des loyers végétait à environ 1% par an.

Maude Bonvin

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