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Les voyageurs font de l'ombre au trafic des marchandises

Le transfert des marchandises de la route au rail est à la peine au Lötschberg, les trains de voyageurs monopolisant les sillons. Sera-ce le même scénario au Gothard?

12 oct. 2010, 04:15

Le tunnel de base du Saint-Gothard vivra ce vendredi un grand moment: le percement du dernier tronçon entre Faido et Sedrun. Dès 2017, voire 2016, sa mise en exploitation devrait délester le trafic routier et raccourcir considérablement les temps de voyage. Sur le papier, l'ouverture du tunnel doit favoriser le transfert des flux de marchandises sur le rail, une obligation constitutionnelle datant du vote populaire de 1994 sur l'initiative des Alpes.

Qu'en sera-t-il dans les faits? La politique de transfert est à la peine. L'an dernier, le rail a perdu des parts de marché: crise oblige, le recul du trafic marchandises a été plus marqué pour les chemins de fer (-17,7% par rapport à 2008) que les transporteurs routiers (-7,4%). Le fret ferroviaire s'est repris cette année.

Mais l'expérience du tunnel de base du Lötschberg, ouvert il y a près de trois ans, suggère clairement que les attentes seront déçues. «Au regard des objectifs de transfert, le Lötschberg offre un bilan en demi-teinte», diagnostique Bernard Guillelmon, président exécutif de BLS. L'opérateur bernois exploite la nouvelle galerie de base reliant l'Oberland bernois à Viège.

Le trafic marchandises a certes enregistré une croissance continue depuis 2000 sur cet axe. Pour autant, paradoxalement, la cause principale n'en serait pas l'ouverture du tunnel, explique le CEO de BLS. «J'y vois deux raisons: la libéralisation du fret ferroviaire et l'adéquation de l'ancien tunnel de faîte pour les gabarits élevés, essentielle pour la chaussée roulante».

Que s'est-il passé? La crise dès 2008 n'est qu'une partie de l'explication. «Le trafic voyageurs, prioritaire, a très vite accaparé les sillons, poursuit Bernard Guillelmon. La réalité a déjoué toutes les planifications: les CFF ont vu leur nombre de voyageurs progresser de près de 30% sur cet axe grâce au gain de temps réalisé». De fait, le législateur a voulu donner la priorité au trafic cadencé longue distance sur le trafic régional, lui-même prioritaire sur le trafic marchandises.

Conséquence, une cadence supplémentaire dans le trafic voyageurs peut obliger certains trains de marchandises à emprunter l'ancien tunnel de faîte. «C'est loin d'être optimal: nous rencontrons des problèmes de traction, en particulier quand les trains sont lourds», expose le président du BLS. Par-dessus le marché, le ferroutage concourt aussi à reléguer certains trains de marchandises dans le tunnel de faîte. «La chaussée roulante passe prioritairement par le tunnel de base. L'ancien tunnel avait certes été développé pour les gabarits élevés, mais la gestion reste complexe: comme toutes les voies ne sont pas adaptées pour les trains lourds, nous devons faire slalomer les convois. Il s'agit d'un mode de transport très demandé, les trains sont généralement bien remplis».

Faut-il changer la logique des priorités? «Il revient à la politique d'en décider», estime Bernard Guillelmon. A ses yeux, une chose est claire: la décision de ne doubler que partiellement le tunnel, prise dans les années 1990, n'a pas été judicieuse. D'ailleurs, ces questions se poseront de la même manière pour le tunnel de base du Gothard.

«Même s'il dispose de deux galeries, le trafic voyageurs et le fret vont aussi se faire concurrence. Dans la mesure où le Tessin ne sera plus qu'à une heure et demie de Zurich, on peut tabler sur une explosion de la demande voyageurs. Ce ne sera évidemment pas sans effets sur le trafic marchandises». Dans son rapport sur le transfert, publié en automne 2009, le Conseil fédéral ne dit pas autre chose. «Les effets de productivité induits par l'ouverture du tunnel de base du Saint-Gothard sont trop faibles pour atteindre à eux seuls l'objectif de transfert.

Mais il est absolument nécessaire de mettre en exploitation la nouvelle ligne pour faire accepter et mettre en œuvre des mesures routières supplémentaires, telles que la bourse du transit alpin». La Suisse est en effet mandatée par ses voisins pour élaborer d'ici à 2011 un concept de gestion du trafic dans les régions sensibles des Alpes. /GME-L'Agefi

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