Une crise chasse l'autre. Depuis quelques semaines, on ne parle plus beaucoup de Fukushima et de ses conséquences sur la politique énergétique de la Suisse. Le nucléaire qui s'était imposé dans le débat politique après la catastrophe japonaise du 11 mars dernier est aujourd'hui supplanté par la crise du franc fort et le spectre de la récession né d'un environnement économique international instable. «C'est le grand invité surprise de la campagne électorale», s'exclame le président du PDC Christophe Darbellay. Les Verts et les Verts libéraux, qui sont intimement associés au débat antinucléaire, pourraient bien être les premiers à pâtir de cette redistribution des cartes.
Le président du groupe écologiste Antonio Hodgers minimise le risque. «Notre succès est aussi dû à notre approche critique de l'économie. Or la crise a mis en évidence la faiblesse d'un système économique basé sur la spéculation.»
Session spéciale
Les Verts organiseront début septembre un séminaire de deux jours consacré à cette problématique. De quoi affûter leurs arguments de campagne et se préparer au débat spécial qui aura lieu en septembre dans le cadre de la session d'automne du Parlement.
C'est à leur demande et à celle des socialistes que les deux Chambres débattront de la cherté du franc. Pour la gauche, qui est en concurrence avec les Verts, voire le PDC, sur la question nucléaire, c'est une occasion rêvée de stigmatiser l'apathie du Conseil fédéral et de marquer sa différence avec une série de propositions concrètes.
Outre un cours de change fixe ou un éventuel arrimage du franc à l'euro, le PS plaide pour des taux d'intérêts négatifs afin de freiner les placements en francs suisses.
«C'est une idée qui fait son chemin», reconnaît Christophe Darbellay. Elle est en revanche combattue par les autres partis bourgeois. «Ce n'est pas faisable, assure la vice-présidente du parti libéral radical (PLR) Isabelle Moret, car la plupart des opérations de change en francs suisses ont lieu à l'étranger».
Pour atténuer les charges des secteurs affectés par la force du franc, le PLR et l'UDC préconisent avant tout des mesures contre la bureaucratie et une baisse de la fiscalité des entreprises. «Irréaliste, rétorque le président du PDC. La dernière réforme a déjà entraîné une perte de recette de plusieurs milliards de francs.»
Pour le PDC, l'Etat devrait plutôt soutenir les entreprises en cofinançant les heures supplémentaires destinées à accroître la productivité, à l'instar de ce qui se fait en cas de chômage partiel.
Ce duel à fleurets mouchetés entre le PLR et le PDC confirme l'analyse de la socialiste vaudoise Yvette Jaggi dans la revue «Domaine public». Selon elle, le franc fort a rapproché les démocrates du centre des libéraux-radicaux et les démocrates-chrétiens des socialistes. Un rapprochement déjà amorcé avec le débat nucléaire.
UDC confiante
Reste à savoir qui retirera les marrons du feu le 23 octobre prochain. L'UDC dont le traditionnel thème de campagne a été relégué au second plan d'abord par Fukushima puis par le franc fort reste confiante. «L'immigration reste une des préoccupations majeures de la population», assure le secrétaire général du parti Martin Baltisser. L'UDC a d'autant moins l'intention de changer de tactique que la marge de manuvre est limitée dans un contexte de crise monétaire internationale. «Soyons réalistes, la politique ne peut pas faire de miracle dans ce domaine».
Par contre, la nouvelle donne pourrait inciter les partisans du nucléaire à redonner de la voix. En septembre, le Conseil des Etats se prononcera sur la motion du PDC valaisan Roberto Schmidt qui réclame une sortie progressive du nucléaire.
Adoptée par le Conseil national, son sort dépend avant tout de l'engagement des élus PDC qui jouent un rôle de premier plan dans la Chambre haute mais qui sont plus proches de l'économie que leurs collègues du National.