Que font les cantons suisses de leurs participations dans les banques cantonales, les entreprises d'électricité ou les assurances immobilières? Le constat dégage un fort relent d'amateurisme. La gestion stratégique et le pilotage sont souvent inexistants. La transparence et le contrôle des risques font cruellement défaut.
C'est ce qui ressort d'une étude minutieuse effectuée par Urs Meister, l'un des experts d'Avenir Suisse. Avec la collaboration de Lukas Rühli, il a analysé et comparé la gestion des 26 administrations. Pour des raisons historiques, chaque canton est propriétaire de participations dans diverses sociétés. Ainsi les administrations cantonales se transforment en une sorte de holding gérant un portefeuille de participations dans des entreprises économiquement indépendantes. La publication d'Urs Meister répertorie plus de mille participations différentes.
Fin 2007, la valeur de ces mille participations atteignait 8,3 milliards de francs. En fait, vue la pratique comptable retenue, le vrai montant est bien plus élevé. Les cantons, par leur insouciance, sont assis sur des bombes à retardement. «C'est vrai dans certains cas», confirme Xavier Comtesse, le directeur romand d'Avenir Suisse. Il cite les placements douteux de la Banque cantonale bernoise qui ont coûté 800 millions aux contribuables de ce canton. Et les errements des banques cantonales vaudoise et genevoise sont encore dans les mémoires lémaniques. «Les résultats de notre étude sont vraiment préoccupants», poursuit Urs Meister.
L'étude insiste sur la très grande différence entre les cantons. Xavier Comtesse commente: «L'échelle va de l'amateurisme total à un bon professionnalisme.» Pourquoi certains cantons gardent-ils, par exemple, des participations dans des sucreries ou des vignes? «Il y a beaucoup de folklore», ironise-t-il.
Les bons élèves sont, dans l'ordre, Argovie, Vaud, Lucerne et le Jura. Ces quatre cantons sont les seuls à disposer de bases solides pour une gestion systématique de leurs participations. Sinon, Berne, Bâle-Campagne, les Grisons, Soleure, Thurgovie, Uri, le Valais et Zurich ont pris conscience, semble-t-il, des risques encourus et sont en train de s'adapter aux nouvelles exigences. Mais le manque de transparence est encore criant. A la fin de l'année 2008, Neuchâtel, Schaffhouse, Glaris et Appenzell Rhodes-Intérieures n'avaient toujours pas de tableau complet et transparent de leurs participations. De plus, les cantons ont gardé une quantité de petites participations minoritaires. Cela n'est plus justifié. D'abord, l'influence est limitée. Ensuite, les dépenses administratives et surtout le risque potentiel que représentent ces participations peuvent être démesurés. Les cantons doivent impérativement, selon Urs Meister, contrôler et assainir leur portefeuille.
Et un risque peut en cacher un autre, comme le montre l'étude. Les cantons, tout en se dégageant progressivement de certaines de leurs sociétés, restent propriétaires d'entreprises orientées vers des marchés de plus en plus ouverts. Cela peut rapporter de nouveaux bénéfices, par exemple dans le commerce dérivé d'énergie. Mais aussi augmenter les risques.
Comme le remarque Urs Meister, «aucun investisseur privé ou institutionnel n'investirait ainsi de manière unilatérale». Et de poser la question: d'autres stratégies de placement, comme la diversification ou la réduction des dettes, ne seraient-elles pas plus judicieuses? /PPA