N'est-il pas curieux d'enchevêtrer la politique familiale entre la Confédération et les cantons, juste au moment où la nouvelle répartition des tâches, approuvée en 2001 en votation populaire, entre en vigueur?
Pierre Triponez: En 2001, le peuple a clairement décidé que la politique familiale, dont les allocations sont un des éléments, appartient aux cantons. Ce vote est l'une des raisons pour lesquelles nous avons lancé le référendum contre la loi sur les allocations familiales. Les bourses, les crèches, l'aide au logement et les allocations familiales forment un tout, qui relève de la compétence des cantons.
Hugo Fasel: Le Parlement a donné suite à une initiative parlementaire. S'il avait été conséquent, il aurait dû intégrer les allocations familiales dans la nouvelle répartition des tâches. Le projet offre une grande chance de simplifier le système et de réduire l'administration. Aujourd'hui, si une femme travaille à 50%, puis à 40%, l'employeur doit annoncer ces changements, sources de bureaucratie.
Prétendre que les allocations familiales sont du ressort des cantons est faux, les salariés les percevant sur le lieu de travail et pas de résidence. Des enfants habitant le même immeuble que leurs parents peuvent ainsi dépendre de régimes d'allocations diverses.
Apparemment, le système actuel semble compliqué.
P.T.: Ce projet ne simplifie rien, les lois cantonales restant en vigueur. Il n'y a pas une loi de moins, mais une de plus. L'administration gonflera, le législateur soumettant les personnes actives aux nécessités d'un calcul individuel.
Même chose pour les allocations versées à l'étranger adaptées au pouvoir d'achat local: même si des accords existent avec beaucoup d'Etats, cela exige beaucoup de modifications. Les allocations resteront différentes selon les cantons. Dans certains d'entre eux, les indépendants ne sont même pas soumis à ce régime.
Faudrait-il choisir le lieu d'habitation plutôt que le lieu de travail pour l'octroi des allocations?
P.T.: N'oublions pas que les allocations sont à la charge des employeurs. Je ne vois pas le problème. Avec cette loi, les différences subsisteront. Le Valais, qui octroie les allocations les plus élevées, ne bougera pas, la Confédération, qui est généreuse, non plus.
H.F.: Pierre Triponez assure que la politique familiale relève des cantons. Les allocations pour les enfants étant liées à la place de travail, son affirmation se révèle inexacte. Cette loi simplifie le système d'une manière extraordinaire. Ainsi, seules 200 allocations versées à l'étranger sur quatre millions sont concernées. On réduit fortement les différences entre Vaud, Fribourg et Zoug.
P.T.: L'économie est favorable aux allocations familiales. Elle y contribue à plus de 4,1 milliards de francs. Les coûts supplémentaires de la nouvelle loi sont estimés à 593 millions par l'Office fédéral des assurances sociales, soit 600 millions, dont une partie est du ressort des cantons. 450 millions de coûts supplémentaires sont à la charge des employeurs, la facture grimpant à 4,7 milliards de francs.
Vous convenez que c'est l'économie qui doit supporter ces coûts?
H.F.: Je ne veux pas me lancer dans une guerre des chiffres. Nous calculons que 350 millions, sans doute même moins, seront à charge des employeurs, la loi n'entrant en vigueur qu'en 2009 et des cantons comme Vaud ont déjà augmenté les allocations.
Par ailleurs, l'industrie des machines, l'une des plus importantes, est prête à verser ici 290 millions dans le cadre de sa convention collective dès 2007. Les CFF, Swisscom, La Poste, Migros paient déjà des allocations de famille de 250 francs.
Par ailleurs, depuis cinq ans, les employeurs ont diminué leurs versements aux caisses de compensation de 0,2%, à cause de la diminution de la natalité. On assiste donc presque à une neutralité des coûts!
P.T.: La loi prévoit une clause d'indexation qu'il est à craindre que le Conseil fédéral adaptera. Monsieur Fasel sert toujours la même rengaine: on reçoit en retour plus que l'on paie. Mais avant de distribuer, il faut passer à la caisse! Les allocations doivent être financées. Six cents millions, c'est de l'argent pris sur les salaires ou sur les prix à la consommation. Ce chiffre représente autre chose que les 0,2% évoqués par le Conseil fédéral.
H.F.: Les employeurs ne sont pas perdants. Qui n'a pas ou plus d'enfant paie: un père ou une mère dépensant davantage pour élever leur famille, l'argent retourne à l'économie. /EDB-RGR