Le retrait des dernières troupes de combat américaines d'Irak hier, excepté un contingent de 50 000 hommes qui reste en soutien aux forces irakiennes, laisse un Etat fragile. Selon certains experts en Suisse, l'avenir n'inspire pas l'optimisme et le «dernier acte du drame» n'est pas achevé.
Côté positif, «cela donne la possibilité aux Irakiens de gouverner seuls», souligne Peter Regli, ancien chef des services de renseignement suisses. L'opposition se voit privée de son argument selon lequel les vainqueurs des législatives sont illégitimes car appuyés par l'envahisseur, relève Riccardo Bocco, spécialiste du Moyen-Orient à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève.
Mais les politiques ne sont pas encore en mesure de prendre leurs responsabilités, observe Peter Regli. Les deux principales formations ont rompu mardi leurs négociations, alors qu'aucun gouvernement n'a pu être formé depuis les élections législatives il y a plus de cinq mois. L'Irak reste un Etat fragile. Et «artificiel», selon Albert Stahel, professeur d'études stratégiques à l'Institut de science politique à l'université de Zurich.
Après la Première Guerre mondiale, les Britanniques ont créé un Etat de toutes pièces basé sur l'amalgame de différentes communautés musulmanes. «L'origine des problèmes prend sa source dans l'Histoire. Les conflits entre sunnites et chiites, arabes et kurdes vont s'amplifier.» Ces composantes se retrouvent au sein des forces de sécurité nationale. «Police et armée ne sont pas à la hauteur», indique Peter Regli. «Il faut des décennies pour mettre sur pied une armée», renchérit Albert Stahel. Le chef d'état-major irakien Babaker Zebari a averti que l'armée irakienne ne sera pas prête à remplir pleinement sa mission avant 2020.
Les divergences politiques, ainsi que les incertitudes sur la capacité des forces de sécurité à enrayer les violences consolident le réseau d'al-Qaïda. Les Etats-Unis, n'étant pas parvenus à instaurer un régime démocratique et stable, vont perdre en crédibilité en tant que garant d'un changement pacifique au Moyen- Orient. /ats