Il est des records qu'on aimerait ne pas voir dépassés. Mais les événements météorologiques en font tomber presque chaque année en Suisse. A l’image de la hausse historique du mercure au mois de mai au niveau national, pointée à 33,3 °C à Viège. Ce week-end, c’est la vague de chaleur remontant du sud qui pourrait faire exploser les compteurs du mois de juin. Des pointes à 35 °C sont attendues en plaine.

«Il devrait y avoir des températures caniculaires ce samedi et dimanche», annonce Didier Ulrich, prévisionniste chez Météosuisse, qui a lancé une alerte de degré 3 de ce samedi midi à lundi soir. Autrement dit un danger marqué avec un mercure qui culminera durant plus de trois jours entre 25 et 27 °C. Une température moyenne de 25 °C trois jours de suite correspond déjà à une canicule.

Air chaud d’Afrique

Les raisons de cette vague de chaleur? «L’air chaud venant d’Afrique du Nord remonte en direction du nord, provoquant des vagues de chaleur sur le sud-ouest de l’Europe, notamment en Espagne et en France», détaille le spécialiste. «La dépression au large du Portugal induit un courant du sud et fait remonter l’air chaud. Ce sont les courants venant de ces pays qui frappent la Suisse.»

Ces canicules à répétition annoncent-elles un été très chaud? Le prévisionniste ne veut pas s’aventurer dans des conjectures, même après 35 ans de métier: «Nous pouvons donner des tendances sur trois mois mais pas de prévisions plus loin que cinq à sept jours.» Il faudra se contenter de probabilités: il y a 50% de chance que l’été romand soit chaud et près de 35% qu’il soit frais.

Si la tendance au réchauffement maintient sa trajectoire actuelle, ce sont des événements qui se manifesteront un été sur deux d’ici la fin du XXI siècle.

Stéphane Goyette, climatologue à l’Université de Genève

Une chose est sûre: les jours chauds enregistrés sont toujours plus nombreux au fil des ans. Entre les années 1970 et aujourd’hui, la moyenne annuelle du nombre de jours à plus de 25 °C à Genève a grimpé de 40 à 58. «Cet écart est considérable», considère Stéphane Goyette, climatologue à l’Université de Genève. La tendance linéaire est à une nette hausse, même si d’année en année, une forte variabilité naturelle s’exprime par les oscillations.

«Si la tendance au réchauffement maintient sa trajectoire actuelle, ce sont des événements qui se manifesteront un été sur deux d’ici la fin du XXI siècle», redoute Stéphane Goyette. Le dérèglement climatique pointé du doigt à juste titre? «Ces phénomènes météorologiques peuvent être attribués au changement climatique provoqué par l’activité humaine dès lors qu’ils deviennent récurrents dans une même région avec les mêmes systèmes météorologiques», affirme-t-il. «Ils sont le fait d’une combinaison de facteurs, tous interconnectés et liés au réchauffement de la planète, comme l’oscillation Atlantique nord ou la fonte de la banquise.»

Pas de jours froids en mai

Il est toutefois précipité de mettre ces étés caniculaires sur le dos du seul changement climatique. «Il faut observer la circulation de l’air», tempère le climatologue. «Si les systèmes météorologiques favorisent en plus les transports de l’air chaud du sud vers le nord comme c’est le cas actuellement en Andalousie, la vague de chaleur peut être plus intense.»

La multiplication de ces événements extrêmes préoccupe tout autant que leur précocité. Cette année, l’«été» a commencé au mois de mai avec des poussées de mercure inédites. «Le mois passé a été exceptionnel car il n’y a pas eu de jours froids», souligne Didier Ulrich. «Il reste le deuxième mois de mai le plus chaud – après 1868 – observé depuis le début des mesures en 1864 avec des précipitations qui ont été bien en dessous de la norme.» Il se distingue par un nombre record de journées estivales (+25 °C) au niveau local, comme les 14 de suite à Genève.

La sécheresse qui sévit depuis cet hiver peut être un signe avant-coureur de grosses chaleurs entre juin et août. «Ce qui participe aux étés caniculaires, c’est le manque d’eau dans le sol en raison de précipitations déficitaires cette année», éclaire Stéphane Goyette. «Au lieu d’être utilisée pour évaporer l’eau, l’énergie disponible est canalisée pour réchauffer le sol et l’air.»

Des étés comme en 2003

Le climatologue craint un assèchement progressif du pourtour de la Méditerranée entre 2050 et 2100 avec des événements de précipitations plus abondants jusqu’en Suisse. «Il pleuvra moins souvent en moyenne mais avec plus d’intensité», observe-t-il. «Mais étant donné la plus grande énergie contenue dans le système, vu qu’il fait plus chaud, la probabilité de produire des évènements pluvieux extrêmes voire de grêle s’intensifiera.»

Au point que vers le milieu du XXI, la moitié des étés en Europe seront autant, voire plus chauds, que celui enregistré en 2003. «En 2003, il y a eu 18 jours à plus de 30 °C et 10 jours à plus de 27 °C», rappelle Didier Ulrich. «C’était l’été référence avec la plus longue canicule.»

Selon les projections climatiques, un été étouffant comme celui de 2003 pourrait être considéré comme un été normal, voire légèrement frais en 2050. Le record en Suisse romande du 7 juillet 2015 avec 39,7 °C à Genève ne devrait pas tenir longtemps.

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