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Coups de klaxon mythiques

Les trois notes emblématiques des bus postaux ponctuent le parcours Sion-Arolla Du haut des pyramides d?Euseigne, 41 kilomètres parsemés d?embûches, de Hollandais, d?Anglais et de Belges contemplent le chauffeur indigène.

17 août 2006, 12:00

Enfin! Il a fallu attendre le quatrième jour et un virage masqué comme le concombre pour que retentissent ces trois notes qui sont l'hymne à la joie du bus postal: tou-tou-touuu a fait le Volvo. Ce klaxon à trois notes, qui est le cri identifiable entre mille du bus postal suisse, n'est pas audible partout: entre Vouvry et Miex, par exemple, l'Iveco ne peut pas se permettre une telle parade. Branché sur la batterie, le klaxon est trop gourmand en énergie. Le passager se contente donc d'un triste avertisseur à barrissement monocorde.

Mais là, entre Arolla et Les Haudères, c'est bien le triomphant tou-tou-touuu qui a retenti. «Sur nos bus, le klaxon est pneumatique, explique le chauffeur Raymond Crettaz. On peut donc l'actionner sans craindre de tirer sur la batterie. Durant la haute saison, des touristes nous demandent un coup de klaxon. Alors, on y va d'un petit coup d'avertisseur quand on passe sous les pyramides d'Euseigne.»

Plus près de Toi

Quarante et un kilomètres séparent Sion d'Arolla, à 2000 mètres d'altitude. C'est une route de montagne, avec des croix, des Vierges Marie, des petites niches habitées par des saints, qui viennent nous rappeler que nous sommes toujours plus près du Seigneur que l'on croit. Plus près du précipice aussi, qui s'ouvre à quelques centimètres du bus. «Mais je n'ai pas le vertige», assure Raymond Crettaz. C'est une aptitude partagée par toute la famille: «L'an passé, exactement à cet endroit, mon oncle conduisait le camion de la voirie. Il a glissé et il s'est arrêté dans les arbres.»

En hiver, parfois, la conduite est un sport fun: «Si le véhicule se met à partir, il ne faut pas paniquer, il faut remettre des gaz et passer en douceur.» On peut chaîner, mais seulement à l'arrière. Il faut alors refreiner les ardeurs émancipatrices de l'avant. «Pour ça, il y a l'ABS», promet Raymond Crettaz.

Raymond Crettaz est un jeune chauffeur. Il pianote encore sans enthousiasme sur cet appareil informatique d'où sort un billet entaché de mystère: «Je dois encore me familiariser avec cet engin et je dois me mettre les horaires dans la tête.»

Un nouveau sans cravate

Il travaille depuis un mois seulement pour CarPostal Suisse. Ce qui lui permet d'échapper au port de la cravate: «Mais il ne va pas y couper!», promet son aîné, Roger Anzévui, qui pilote depuis 37 ans et un mois sur cette route, 37 ans à porter la cravate, à croiser des touristes qui confondent le rayon de braquage de leur Topolino avec celui d'un supertanker. Il raconte qu'un jour, c'est lui qui est descendu de son bus et qui a fait la marche arrière à la place du conducteur terrorisé. «En principe, le véhicule lourd est prioritaire, dit Raymond Crettaz. Mais souvent, nous avons intérêt à manoeuvrer nous-mêmes parce que certains touristes ne sont pas - comme qui dirait - très doués pour la conduite.» Les Belges sont-ils fidèles à leur réputation? «Les Hollandais et les Anglais ne sont pas mal non plus!», rigole Raymond Crettaz.

Le ravissement

Lui vient de Forclaz, un village situé en dessus des Haudères. Depuis 18 ans, il descend à Sion tous les jours. Ce qui veut dire que cette route, il la fait deux fois par jour. Un virage, un signe de main, c'est Andrée qui monte à Arolla. Une ligne droite, un signe de main, c'est son cousin qui monte à Arolla (lui aussi). «En principe, je connais les voitures et les gens qui sont dedans.»

A Evolène, il parle le patois avec l'employée de la poste. Et quand, un peu plus haut, il débouche sur le plateau, c'est à chaque fois le même ravissement: «Tu as beau revenir de l'étranger, quand tu vois les Dents-de-Veisivi, tu te dis qu'il n'y a rien de plus beau que le Valais.»

Le Roger Anzévui est d'accord: «Des fois, tu emmènes quelqu'un sur la montagne. Il arrive au sommet et il dit: «y'a quoi à voir?» T'as envie de lui donner une baffe!» Et il brandit une main polie par le granit millénaire et le volant bientôt quadragénaire. Les natifs du val d'Hérens ont raison. /JAM

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