Opposant de la premi?re heure au r?gime Kadhafi, exil? pendant 34 ans, l'ancien secr?taire g?n?ral de la Ligue libyenne des droits de l'homme occupe depuis peu le poste d'ambassadeur de Libye ? Berne. Sliman Bouchuiguir, qui poss?de aussi la nationalit? suisse, a pr?sent? ses lettres de cr?ance ? la pr?sidente de la Conf?d?ration, Micheline Calmy-Rey, le 29 septembre dernier.
Etes-vous confiant dans le fait que la Libye va se d?mocratiser?
Oui, je crois que la nouvelle direction politique est honn?te dans sa volont? d?mocratique, en particulier Mustafa Abd-al-Jalil et Mahmoud Jibril (r?d: respectivement pr?sident et premier ministre du Conseil national de transition). Mais l'honn?tet? ne suffit pas. Il faudra un effort continu pour cr?er les bases n?cessaires et avancer sur la voie de la d?mocratie et du respect des droits humains. Toutefois, les contours de la d?mocratie sont d?j? inscrits dans la Constitution int?rimaire qui cadrera le pays pendant les deux prochaines ann?es.
Apr?s 18 mois, des ?lections libres et ?quitables auront lieu, permettant ? la Libye d'avoir un premier parlement ? m?me de d?signer un gouvernement d?mocratique. Nous allons donc dans la bonne direction. Mais il faut enraciner ce processus d?mocratique dans la loi et la vie quotidienne.
Votre nomination ? Berne signifie-t-elle une normalisation des relations entre la Suisse et la Libye, apr?s la crise engendr?e par l'arrestation ? Gen?ve d'Hannibal Kadhafi?
D'apr?s mes discussions avec l'actuelle direction libyenne, elle refuse de mentionner cette sombre ?poque et l'a qualifi?e de phase temporaire dans les relations entre la Suisse et la Libye. Il est devenu clair que nous avons tourn? la page. D'ailleurs, la Suisse a nomm? un nouvel ambassadeur ? Tripoli (r?d: Michel Gottret). Nous sommes impatients de voir une am?lioration dans nos relations. Nous n'avons aucune animosit? ? l'?gard du gouvernement suisse.
Les Suisses peuvent nous aider dans plusieurs domaines. Car c'est dans l'int?r?t de la Suisse et de la communaut? internationale que la Libye devienne un pays d?mocratique respectueux des droits, d?fenseur des libert?s et partie int?grante de la communaut? internationale. La section suisse de M?decins Sans Fronti?res est active ? Misrata et ? Benghazi. Nous avons aussi des patients gravement bless?s qui vont prochainement venir se faire soigner en Suisse. Nous avons sign? un accord de coop?ration avec l'h?pital cantonal de Gen?ve et cherchons ? en signer d'autres avec ceux de Vaud et de Berne.
Durant l'affaire Hannibal Kadhafi, les entreprises suisses ont ?t? bloqu?es en Libye. Sont-elles maintenant de retour, ou ont-elles manifest? l'intention de revenir?
Nous sommes en train de contacter les chambres de commerce suisses, notamment ? Lausanne, Zurich et Gen?ve. Nous voulons avoir une feuille de route pour la reconstruction. Les chambres de commerce ont exprim? le souhait d'avoir en main des projets de reconstruction afin de les faire conna?tre aux entreprises suisses. Pour notre part, nous attachons une tr?s grande importance ? la contribution suisse ? ce processus de reconstruction.
La Libye a-t-elle pr?cis? les domaines o? les Suisses peuvent jouer un r?le? Quelle est l'estimation du co?t total du processus de reconstruction?
Le plan de reconstruction est en cours d'?laboration. Et les experts qui y travaillent pourraient avoir besoin de s'appuyer sur l'expertise bien connue de la Suisse dans le domaine de l'?valuation et de la planification. Selon le premier ministre, le co?t de la reconstruction est estim? entre 500 et 700 milliards de dollars, un montant que la Libye ne peut pas payer seule. Pour cette raison, nous avons besoin de la contribution des entreprises ?trang?res afin de r?tablir la situation ?conomique d?s que possible.
Les Suisses peuvent contribuer dans divers secteurs, compte tenu de leur expertise dans les domaines du d?veloppement et des technologies en mati?re de d?veloppement durable, tout comme les technologies de pointe, les services et la construction d'infrastructures, y compris les routes, l'?lectricit? et les communications. Un ministre libyen en exercice a parl? de la possibilit? pour la Suisse de contribuer ? la revitalisation du secteur du tourisme et de l'h?tellerie. Personnellement, j'esp?re que les Suisses vont prendre le relais sur le tourisme, car ils ont une grande exp?rience en mati?re d'offre touristique.
Un des probl?mes ? r?soudre pour la partie libyenne est le d?blocage des fonds gel?s dans des banques suisses. Avez-vous une estimation de leur valeur potentielle et o? en sont les discussions pour leur restitution?
Il existe deux types de biens gel?s. Il y a tout d'abord des actifs qui appartiennent ? l'Etat libyen. Ces actifs ne constituent pas un probl?me pour le gouvernement suisse qui les estime ? 760 millions de dollars. Ces fonds sont maintenant d?pos?s aupr?s de la Banque nationale suisse. Lors d'une conf?rence organis?e par la France le 1er septembre, Micheline Calmy-Rey a annonc? que Berne ?tait pr?te ? lib?rer 380 millions de dollars. Nous discuterons ult?rieurement des fonds restants.
Quant aux actifs d?tenus par la famille et les proches de Kadhafi, personne ne peut fournir une estimation de leur valeur. Le gouvernement suisse n'interf?re pas dans cette question. Mais il a propos? de nous fournir une assistance juridique au sujet de ces fonds.