Ses lettres de noblesse terroristes, Zarqaoui les a reçues d'un chef de la diplomatie américaine. Le 5 février 2003, Colin Powell le dépeint à l'ONU comme le grand lieutenant de Ben Laden en Irak et un expert en armes chimiques.
A l'époque, Washington cherche à établir un lien Saddam-terrorisme-armes de destruction massive. Et Zarqaoui le Jordanien est le seul, parmi les cadres moyens d'al-Qaïda, que l'on a vu traîner ses guêtres entre Tigre et Euphrate. La consécration suprême vient en juillet 2004, sous forme d'une élogieuse mise à prix par Washington: 25 millions de dollars.
L'histoire de Zarqaoui, c'est celle d'un petit caïd des banlieues jordaniennes, passé par l'Afghanistan, qui se mue en chef de guerre s'imposant par la force brute. Zarqaoui: de Zarqa. Ahmed Fadel Nazzal al-Kalaylah y est né, il y a quarante ans.
Dans ce «Chicago jordanien», des dizaines de milliers de réfugiés palestiniens vivent dans la misère depuis les années 1950. Le terreau est idéal pour cultiver les causes islamistes les plus radicales. Une jeunesse médiocre, la rue et ses bagarres, de petits méfaits (on parle même d'une histoire d'agression sexuelle).
En désespoir de cause, sa mère décide de le remettre dans le droit chemin en l'inscrivant dans le cours religieux d'une mosquée d'Amman. Ce «droit chemin» mène Zarqaoui en Afghanistan. Endoctriné par la mouvance salafiste radicale jordanienne, il prend la route de l'Asie centrale.
Nous sommes en 1989, et il est un peu tard. Le jeune Jordanien arrive après la grande et sainte bataille contre les Soviétiques. Zarqaoui y côtoie les fils choisis d'al-Qaïda. Il fait la connaissance d'une figure de proue de l'islamisme jordanien, Abou Mohammed al-Maqdisi.
Ensemble, lors du retour en Jordanie en 1993, ils fondent un groupe activiste, Bayt al-Imam («La maison de l'imam»). Maqdisi pense, Zarqaoui organise. Arrêté en mars 1994, il est condamné à quinze ans de prison en 1996. Amnistié à la mort du roi Hussein, en 1999, il repart vers le Pakistan et l'Afghanistan.
Au pays des talibans, Zarqaoui prend la direction du camp d'entraînement des «Jordaniens» d'al-Qaïda. Depuis Hérat, dans l'ouest de l'Afghanistan, il cultive ses relations avec le Kurdistan irakien et le groupe islamiste local Ansar al-Islam. C'est là qu'il se réfugie quand les Américains balaient les troupes du mollah Omar, après le 11 septembre 2001. Au printemps 2003, ce sont de nouveau les forces spéciales américaines qui le délogent des montagnes du Nord irakien.
Avec les militants d'Ansar al-Islam, dont il a pris le contrôle, Zarqaoui se replie vers les zones rebelles du triangle sunnite. En mai 2004, en décapitant - de sa propre main peut-être - l'otage américain Nicholas Berg, il se place sur l'avant-scène de la terreur. Il revendique nombre d'attentats, comme ceux contre l'ambassade de Jordanie et le siège de l'ONU à Bagdad en août 2003.
L'homme a un vrai talent opérationnel, mais pas d'envergure idéologique et encore moins spirituelle. Il s'impose par la force brute. Mythomane ambitieux ou activiste psychopathe, il avait effrayé jusque dans ses propres rangs Au sein de la guérilla, justement, sa violence indiscriminée avait fini par exaspérer. / ALG-Le Figaro