En début de semaine, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiait un nouveau rapport, listant des mesures immédiates pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais cet organisme pointe une autre nécessité: développer les puits naturels de carbone.

Cela passe notamment par la reforestation et une gestion durable des sols. Ces derniers représentent en effet «le plus grand réservoir terrestre du carbone», indique Elena Havlicek, collaboratrice scientifique à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et chargée d’enseignement à l’Université de Neuchâtel.

Dans des sols dégradés, la fonction de captage du CO2 fonctionne moins bien.

Elena Havlicek, collaboratrice scientifique à l’Office fédéral de l’environnement et chargée d’enseignement à l’Université de Neuchâtel

«Les plantes absorbent le carbone minéral (ou CO2) et, avec le soleil ainsi que certains éléments du sol, produisent des molécules organiques (feuilles, baies, etc.). Celles-ci sont ensuite absorbées par des animaux. Puis lorsqu’ils meurent dans la nature (tout comme les plantes), ils se décomposent progressivement. Le carbone qu’ils contiennent retourne dans le sol et reste stocké sous forme d’humus», explique la scientifique. «Il y a ainsi un transfert de carbone de l’air au sol, via les organismes vivants.»

Des menaces nombreuses

Si la biomasse (la végétation avant tout) contient environ 650 gigatonnes de carbone et l’air 750 gigatonnes, les sols en ont environ 1600. «S’ils sont dégradés, cette fonction de captage du CO2 fonctionne moins bien», met en garde Elena Havlicek.

Les atteintes qui menacent les sols sont nombreuses et se classent en trois grandes catégories: physiques, chimiques et biologiques. Dans le premier cas, la compaction – soit le tassement du sol en raison de l’utilisation de machines très lourdes, par exemple – entraîne la destruction de la porosité du sol.

Conséquence: la terre perd sa matière organique et se déstructure. Elle devient ainsi davantage vulnérable à une autre menace physique: l’érosion. «Elle peut se produire lors de fortes pluies sur un sol peu couvert par la végétation», éclaire la spécialiste.

Lorsqu’il y a une trop forte concentration de polluants, le sol perd sa fonction de filtre et ces polluants se retrouvent dans le corps humain.

Elena Havlicek, collaboratrice scientifique à l’Office fédéral de l’environnement et chargée d’enseignement à l’Université de Neuchâtel

Les atteintes peuvent également être chimiques, principalement en raison de polluants. Parmi ceux-ci, les métaux lourds, le plomb, le cuivre, le zinc ou encore le cadmium sont naturels. «Mais c’est leur concentration due à certaines activités humaines qui peut poser problème. Le sol peut les filtrer jusqu’à un certain point, en jouant le rôle d’éponge», explique Elena Havlicek. Mais lorsqu’il y en a trop, le sol perd cette fonction et ces polluants, en raison de la chaîne alimentaire, se retrouvent dans le corps humain. «Certains ont des effets très graves sur le métabolisme», indique la spécialiste.

Parmi les atteintes chimiques, il y a encore les microplastiques, issus notamment de l’usure des pneus de voitures ou du plastique des serres, qui se décompose. «Les effets toxicologiques sur les sols et les plantes sont encore mal connus. Ce que l’on sait, c’est que les plus petits microplastiques peuvent être absorbés par les plantes», précise Stéphanie Grand, maître d’enseignement et de recherche à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne.

La biodiversité diminue

Dernière catégorie de menaces: les atteintes biologiques. C’est un domaine encore trop peu connu, même si l’on sait déjà que des pratiques agricoles intensives diminuent la biodiversité des sols. Certains vers, importés dans des plantes exotiques en pot, peuvent manger leurs congénères suisses, ce qui empêche ces derniers de faire un travail essentiel au maintien des fonctions du sol.

«Les engrais utilisés en excès – y compris ceux employés dans l’agriculture biologique, comme le fumier – peuvent entraîner un déséquilibre, un surplus de certains nutriments et, au final, une baisse de la biodiversité ou une pollution des eaux», avertit Stéphanie Grand.

Des solutions existent

Quelles solutions? Pour lutter contre l’érosion, «plus les plantes sont nombreuses et différentes, plus un ‘filet naturel’ se crée en surface et dans le sol. Aujourd’hui et globalement, les agriculteurs font beaucoup pour la préservation des sols. Il est ainsi rare de voir un champ nu en hiver, ce qui favoriserait l’érosion», juge Elena Havlicek.

Quant à épurer un sol pollué par des atteintes chimiques, c’est possible. «Mais cela peut demander des moyens gigantesques», prévient Stéphanie Grand. Un exemple: pour nettoyer un terrain souillé par de l’uranium, il faut planter des tournesols, qui absorbent très bien cette substance. Ensuite, on les récolte et les incinère. Les résidus pollués peuvent alors être stockés dans un site sécurisé. «La Suisse n’est cependant pas encore très avancée dans ce procédé appelé phytoremédiation», note Elena Havlicek.

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