Pourtant, Nadal a fait du Nadal. Rien de plus, rien de moins. Il n'a donné aucun point. «Mes passings étaient le long des lignes, reprend-il, mais il a sorti de telles volées! Je n'y crois pas... J'ai essayé de jouer mon meilleur tennis. J'ai varié avec des balles courtes puis longues, j'ai ralenti puis accéléré. Pour rien.» La raison: «Jo»! Le Franco-Congolais de 22 ans flotte dans une autre dimension. «J'avais l'impression que je ne pouvais rien manquer», dit-il en haussant les épaules. Son service, son coup droit, ses volées extraterrestres, sa mobilité: un tout. «Je tapais toujours plus fort et je ne faisais aucune faute, c'était toujours à l'intérieur du court. Je n'ai jamais bougé aussi bien.» Un secret? «Je me suis entraîné très dur cet hiver.» Ils disent tous ça.
Une seule fois, peut-être, Tsonga a failli perdre le fil. Il mène deux sets à rien. Nadal ouvre la troisième manche en remportant aisément son engagement. Dans l'enchaînement, l'Espagnol s'offre une balle de break. Et une décision arbitrale irrite «Jo». Il discute.
Il fronce les sourcils. «Oui, j'étais énervé, raconte-t-il. Je me suis alors dit que la meilleure réponse, c'était d'envoyer trois boulets et qu'on n'en parle plus.» Deux aces et un gros service plus tard, l'affaire était entendue.
«Non, ce n'est pas de la chance, poursuit Nadal, il a été incroyable, en état de grâce. Toutes ses balles tombaient sur les lignes. Je ne pense pas qu'il puisse éternellement jouer à ce niveau. D'ailleurs, quel est son classement?» Lundi, Tsonga entrera dans le top-20. «S'il joue ainsi, il peut battre Federer ou Djokovic, prédit l'Espagnol. Mais il devra gérer une pression nouvelle. Une finale, avec un titre majeur à la clé, c'est très différent de tout ce qu'il a vécu jusqu'ici.»
Bien involontairement, Nadal a contribué à construire le Tsonga d'aujourd'hui. C'était l'été dernier, c'était leur première rencontre: un entraînement à Wimbledon. «Le contact avait été froid et distant, se souvient le Français. Quand Nadal est sur un court, ce n'est pas pour s'amuser. Cette séance m'a appris le métier.» Une expérience de vie, comme les blessures qui ont ralenti son éclosion, qui l'ont aguerri, comme la finale de dimanche. Alors,
Federer ou Djokovic? «Qu'importe, ce sont deux grands champions», note-t-il. «Contrairement à Nadal, ils entrent dans le court. Je devrai les en empêcher, sinon, il y aura
des bobos...» La France attendait un finaliste en Grand Chelem depuis Arnaud Clément en 2001, à Melbourne déjà. Elle attend un titre majeur depuis 1983 et la victoire de Yannick
Noah à Roland-Garros. Tsonga n'était pas encore né. Pour gagner, il devra jouer un autre match d'exception. «Oui, c'est possible!» Le pire, c'est qu'on le croit! / LKL