Pour les têtes de série, la soirée commença comme la nuit précédente, celle de la pleine lune. Frileusement. Alban Préaubert, que certains Français optimistes plaçaient dans les candidats au podium avant le programme court, lécha la glace à deux reprises. Même arôme pour Ponsero, son compatriote. «Je n'aime pas cette surface» avoua Tomas Verner. «Elles est trop dure.» Congelée, la banquise. Bonne pour des pingouins. Mais pas pour des patineurs transformés en manchots.
Dernier groupe. Celui de la vérité. A l'échauffement des six minutes, Lambiel passe son triple. Proprement. Puis Van der Perren chute d'entrée et simplifie son axel. Autour de Tomas Verner. Qui effectue un programme presque propre mais sans surprise. Les juges lui offrent son record personnel. Généreux. Pour Stéphane, la barre prend de la hauteur. Il doit friser son meilleur score pour espérer se dorer le cou. «Je me suis battu, j'ai senti une bonne énergie. Je suis satisfait. Bien sûr, il a manqué un tour sur certains sauts pour obtenir plus» explique le Valaisan, «satisfait» de sa performance. Le triple axel est devenu double et un quadruple s'est transformé en triple. «Je ne suis pas tombé. J'ai bien contrôlé. C'est l'essentiel. Mais il me manque quinze points ce soir et quinze points lors du programme court pour être champion d'Europe. J'accepte qu'il y ait eu plus fort que moi.» Fair play, le gars.
Pendant qu'il raconte ses états d'âme à la presse, Brian Joubert patine. Pas trop bien. Pas très sûr dans ces sauts qu'il dit pourtant maîtriser sans problème, «même avec de la fatigue». Le résultat ne ment pas. Et le visage de? Stéphane Lambiel prend un autre tour. Un tour supplémentaire de rayonnement. Le Français n'est que troisième. Et battre Joubert, c'est presque être? champion. Premier derrière le bien payé Verner. «Je suis serein. J'avance étape par étape. Je serai plus fort à Göteborg. Vraiment, j'aime ces batailles.» Une fois de plus, le Valaisan a prouvé qu'il répondait présent quand il le fallait. Avec les moyens du jour qui ne furent pas ses meilleurs. «Je suis assez satisfait» rajoute Peter Grütter. «Il a fait un beau programme. Il a assuré.» Et la vie, belle, continue.
Les cloches sonnent. A fond les battants. Stéphane, heureux, monte sur la deuxième marche du podium. Son visage contraste avec celui, tiré, de Brian Joubert. En patinage comme ailleurs, rien n'est jamais joué. Heureusement. /MIC