Quatre minutes après la mi-temps, c'est lui, Ayala, qui élevait ses 33 ans avec perfection et marquait de la tête, sur un corner de Riquelme, le but qui semblait ouvrir le monde à l'Argentine. C'était mérité, c'était juste, car même si l'Argentine n'avait rien montré de flamboyant, elle en avait fait un peu plus qu'une équipe d'Allemagne dominée techniquement et bloquée tactiquement. Compacte, habile, tranquille dans cette partie d'échecs où elle semblait avoir plus de fous et de chevaux que l'adversaire, l'Argentine aspirait alors les Allemands dans le milieu de l'échiquier, récupérait les ballons et tissait tranquillement sa toile.
Et puis, en plus, ce but d'Ayala était arrivé pour confirmer quelque chose aux allures d'évidence: l'Argentine était plus forte, et rien ne l'arrêterait ce 30 juin. Même pas un public allemand désagréable, prompt à siffler, imprégné lui aussi de l'esprit de compétition qui fait qu'une part de bonhomie s'en va. Même pas la rigueur physique, l'âpreté, souvent limite dans les duels, des Allemands qui, opiniâtres en toutes circonstances, compensaient leurs faiblesses par un labeur incessant. Chanson connue. Et la chanson dit aussi que c'est quand elle vacille que l'Allemagne est la plus dangereuse.
José Pekermann l'a peut-être oublié. Dès le 1-0, l'Argentine jusque-là ni défensive ni offensive, simplement organisée pour tenir son adversaire en permanence à sa merci, se mit à reculer, peu à peu, de plus en plus, et à laisser les Allemands approcher, venir aux alentours des 16 mètres. Pekermann dut sortir son gardien, blessé; puis il enleva Riquelme; puis Crespo. L'Argentine menait 1-0, mais elle s'était recroquevillée. Elle n'était plus dangereuse. L'Allemagne, elle revenait. Pas très habile, mais debout. Ballack montait le rythme. Le match avait changé. Il restait peu de temps, mais les Allemands flairaient le bon coup possible.
Alors est venu ce centre, et la déviation de Borowski mis dans le jeu par Klinsmann pour donner du corps à l'attaque, et toucher les ballons de la tête. Justement, 80e minute, tête de Borowski sur le centre de Ballack, et Klose, cinquième but dans ce Mondial, qui soulève tout le stade, sauf la partie bleu et blanc. L'Allemagne qui confirme sa légende; qui joue à être l'Allemagne. Elle en a tant fait, des miracles comme ça.
On en revient à Roberto Ayala. Au bout de prolongations plutôt maîtrisées par l'Argentine, qui n'avait cependant plus grand monde pour la dernière passe, ni pour reprendre les centres, Ayala manque son penalty. Jens Lehmann l'arrête sans peine. Ayala est le seul, jusque-là, à ne pas tirer en puissance. «Les canons, c'est ce qu'il faut» ont affirmé pas mal de joueurs, surtout après les ratés des Suisses. Une heure plus tôt, Ayala était sous la pyramide de ses copains. Quelques matches plus tôt, les Argentins baladaient la Serbie-Monténégro, et devenaient les grands favoris du Mondial. Et là, Ayala, imité par Cambiasso, se retrouvait en déroute. Brisé. L'Allemagne, elle, n'a jamais été favorite. Elle n'a encore baladé personne. Mais elle gagne, et elle a en attaque le meilleur buteur de la compétition. Elle veut revenir à Berlin. / PDU
ALLEMAGNE - ARGENTINE 1-1 ap (0-0 1-1) 4-2 aux tabs Stade olympique, Berlin: 72.000 spectateurs (guichets fermés). Arbitre: M. Michel (Slq). Buts: 49e Ayala 0-1. 80e Klose 1-1. Tirs au but: Neuville 1-0. Cruz 1-1. Ballack 2-1. Ayala 2-1 (arrêt Lehmann). Podolski 3-1. Rodriguez 3-2. Borowski 4-2. Cambiasso 4-2 (arrêt Lehmann). Allemagne: Lehmann; Friedrich, Mertesacker, Metzelder, Lahm; Schneider (62e Odonkor), Frings, Ballack, Schweinsteiger (74e Borowski); Klose (86e Neuville), Podolski. Argentine: Abbondanzieri (71e Franco); Coloccini, Ayala, Heinze, Sorin; Mascherano; Rodriguez, Gonzalez, Riquelme (72e Cambiasso); Crespo (79e Cruz), Tevez. Notes: Abbondanzieri sort sur blessure (71e) Tir de Coloccini sur la transversale (115e). Avertissements à Podolski (3e), Sorin (46e), Mascherano (60e), Rodriguez (89e), Odonkor (90e), Cruz (96e) et Friedrich (114e).