Il faut dire, comme le relevait hier un journaliste français, que depuis le camp de préparation à Tignes, où ils se sont attaqués à des sommets montagnards, mais où ils ont surtout décidé de ne plus parler en particulier aux journalistes, les joueurs ressemblent terriblement à Raymond Domenech!
Ils sont froids, distants, comme enfermés dans une bulle, loin de tout, du monde, de leur public, de la vraie vie. Ils n'ont donc plus rien à voir avec des coqs tricolores et au contraire, ils utilisent délibérément une lourde langue de bois, plutôt chêne que sureau, qui en dit paradoxalement très long sur la tension qui semble les habiter. Et qui ne s'est pas calmée depuis l'accident de Cissé. Domenech, qui croit assez aux signes du destin, y aurait vu quelque chose de troublant et pas forcément encourageant.
Hier, 14 heures, dans une grande salle de Hameln. Claude Makelele est assis devant quarante journalistes. Morceaux choisis: «L'excitation qu'on ressent est positive. Il faudra l'évacuer sur le terrain». Puis: «La Suisse est une très bonne équipe qui monte en puissance et aspire à nous battre». Puis encore: «Ce match contre la Suisse donnera le déclic pour la suite». Merci Claude, merci.
14h35, Abidal, arrière latéral de l'équipe de France, est arrivé. A lui: «On est là pour trois matches, pour être au plus haut. Si tout le monde joue pour tout le monde, ça ira». Ou aussi: «La Suisse joue très bien au ballon, mais on connaît notre force». Allez, encore un peu: «Il faudra se servir positivement de l'ambiance qu'il y aura dans le stade».
15 heures. Sylvain Wiltord arrive. Et repart. Ça l'embêtait carrément de parler, alors il s'est taillé. Raymond Domenech, lui, s'exprimera demain. On se réjouit déjà. Ce sera du sapin, de l'if, du hêtre ou encore du chêne?
Etrange équipe de France, qui vit dans le secret, dans son château inaccessible au coeur d'une nature fantastique qu'elle ne regarde sans doute pas. Je me souviens de la France de 1986 au Mexique. L'équipe tricolore vivait alors sa Coupe du monde avec une immense concentration, mais chaque jour, autre époque, autre esprit, des joueurs prenaient du temps, Platini comme les autres, pour parler aux journalistes, en sachant bien qu'en s'exprimant ainsi, c'est à leur public, à leurs amis inconnus qu'ils s'adressaient. Aujourd'hui, couverts de publicités sur leurs habits, avec leur langage martien, personnages presque virtuels, ils donnent l'impression de ne plus rien entendre ni savoir des bruits de l'existence des hommes normaux. C'est peut-être la chance de la Suisse.
17h30, hier soir au stade de Hameln, entraînement de l'équipe de France. Après un quart d'heure, les journalistes ont dû s'en aller. Huis clos. Secret. Des fois qu'un journaliste suisse téléphone à Kuhn pour lui dire comment les Français font un une-deux... / PDU