Depuis son arrivée à la tête de Neuchâtel Xamax en 2019, Jean-François Collet ne fait pas l’unanimité auprès des supporters xamaxiens. C’est le moins que l’on puisse dire.

Aujourd’hui, l’homme fort du club «rouge et noir» se retrouve plus que jamais sous le feu des critiques en raison de la saison calamiteuse de sa première équipe. «ArcInfo» a proposé à dix de ses lecteurs de s’entretenir avec Jeff Collet dans les locaux de la Maladière. Le président xamaxien a répondu sans détour aux interrogations pendant plus de 90 minutes. La durée d’un match, avec le temps additionnel… Morceaux choisis.

Une des raisons principales de la mauvaise saison tient au recrutement. Xamax engage des joueurs qui sont remplaçants dans la même ligue ou des blessés…

Je peux difficilement vous donner tort. Les résultats parlent d’eux-mêmes. En revanche, pour prendre la défense de la cellule de recrutement, nous avons quand même déniché des joueurs comme Louis Mafouta, Nicky Beloko et Maren Haile-Selassie. Nous avons connu quelques succès. Cette année, notre gros problème reste le secteur offensif. Nous possédons des attaquants qui n’arrivent pas à concrétiser.

Au début de la saison, peu de gens sont venus me dire que nous avions une équipe pourrie.

Jeff Collet, président de Xamax

Il manque aussi de bons latéraux…

Vous avez raison, mais nous avons connu de gros soucis. Luis Pedro Cavanda devait théoriquement être un des meilleurs joueurs de couloir du championnat. Au final, cela a été une hécatombe. Ce qui est sûr, c’est qu’au début de la saison, peu de gens sont venus me dire que nous avions une équipe pourrie.

N’aurait-il pas été plus judicieux de recruter deux ou trois joueurs de Super League?

Se retrouver avec un effectif pléthorique, c’est la première démonstration que nous avons mal fait notre travail. Le pire c’est que certains de nos footballeurs avec les plus hauts salaires ne jouaient pas. Parfois, certains joueurs ne justifient pas l’investissement consenti et nous obligent à en chercher d’autres… En outre, quand vous changez de coach, vous avez une nouvelle vision du jeu. Ce sont des systèmes et des besoins de joueurs différents.

On ne peut pas vendre un joueur dès qu’il devient bon. Si les meilleurs partent, on se retrouve où? Dernier comme aujourd’hui…

Nous avons besoin de vendre pour vivre. Et nous ne pouvons pas garder des joueurs qui veulent s’en aller. Prenez l’exemple de Nicky Beloko. Nous sommes allés le chercher à la Fiorentina et l’avons fait «renaître». Même s’il a été fantastique et qu’il nous manque beaucoup aujourd’hui, le garder aurait été un enfer.

En rejoignant Xamax, il cherchait à se mettre en avant. Le cas Maren Haile-Selassie, parti après six mois, est aussi intéressant. Les joueurs peuvent se dire que Xamax est une bonne adresse pour avoir une certaine visibilité. En revanche, nous avons d’autres exemples comme celui de Franck Surdez (réd: récemment réintégré en première équipe). On ne l’a pas laissé partir parce que nous considérons qu’il est trop jeune et qu’il n’a pas encore fait ses preuves.

Jeff Collet a répondu avec calme et franchise aux questions des lecteurs d’«ArcInfo» pendant plus de 90 minutes. Photo: Lucas Vuitel

Prenez-vous les décisions tout seul?

J’ai un comité avec quatre administrateurs. En tant que propriétaire, c’est moi qui supporte les décisions. Ma voix compte un peu plus que la leur. Je peux aussi m’appuyer sur notre directeur général, Tiziano Sorrenti, et notre recruteur, Sébastien Fontbonne. Et nous n’allons jamais enrôler un joueur que le coach ne veut pas.

Est-ce qu’il ne faudrait pas un directeur sportif?

C’est une question qui peut se poser. Quand j’étais président du Lausanne-Sport, je n’avais pas de recruteur et nous avons connu pas mal de succès. Pas sûr que ce soit toujours la solution. Mais si nous trouvons la bonne personne, je suis ouvert à cette possibilité.

Avoir emprunté la voie judiciaire pour éviter un éventuel barrage, n’est-ce pas un manque de confiance envers l’équipe?

Non. C’est un sujet embêtant parce que nous auditionnons devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour cette affaire le 4 avril. La décision devrait tomber fin avril. Les règles de jeu sont votées par l’assemblée générale de la Swiss Football League (SFL). Il a été décidé que le dernier de Challenge League ferait un barrage contre le troisième de Promotion League sans système de repêchage. Nous voulons défendre nos intérêts et je suis très confiant que tout va bien se passer. Un match de barrage, ça reste piège. Après, je ne serais pas fier de terminer dixième et de gagner au TAS. Le but principal reste de se sauver sportivement, mais je veux éviter la relégation à tout prix.

Jean-François Collet «sous le regard» d’une légende du club, Charles Wittl. Photo: Lucas Vuitel

Si le TAS donne tort à Xamax, est-ce que vous jouerez ces barrages?

Oui! Nous n’avons pas le choix, sinon nous allons être relégués. Si le TAS nous donne tort, il faudra peut-être s’avouer que notre interprétation n’était pas la bonne.

Êtes-vous prêt en cas de relégation?

Oui, quand tu commets une erreur, tu dois l’assumer et essayer de la réparer. Si nous devions être relégués, je resterais en place pour ramener le club où il doit se trouver. Je dois anticiper cette éventualité. Par contre, je ne me projette pas dans cette option-là. Je reste convaincu que nous allons nous maintenir. Je n’ai pas établi de budget pour la Promotion League.

Comprenez-vous le ras de bol des ultras?

Oui, le plus difficile pour moi, c’est de décevoir les gens. J’ai envie de prendre du plaisir et d’en transmettre aux autres. J’accepte leur colère et je préfère qu’ils s’en prennent à moi plutôt qu’aux joueurs.

Avez-vous rencontré le KOP?

Oui, j’ai parlé avec sept personnes avant le match contre Lausanne. C’était une discussion sympathique et conviviale. Chacun est libre ou non de soutenir une équipe. Mais si tu es supporter, tu es là pour supporter. Dans le sport, il y a un gagnant et un perdant. Malheureusement, les gens n’acceptent plus l’échec. Ce n’est pas juste de remettre en cause l’intégrité morale des gens et de dire que nous n’avons pas de valeurs.

Ce que je peux amener c’est ma rigueur. Aujourd’hui les finances du club sont saines.

On peut vous reprocher d’être trop en retrait, de ne pas montrer votre attachement au club…

Chacun possède sa propre personnalité. Christian Binggeli faisait à chaque match le tour des buvettes. Il est extrêmement chaleureux. Ce n’est pas quelque chose d’inné pour moi. En revanche, ce que je peux amener, c’est ma rigueur. Aujourd’hui les finances du club sont saines.

Je sais que parfois, on m’a reproché de ne pas assister à certaines rencontres. Pour moi, il est clair que je ne sacrifierai pas ma vie de famille pour mon club. Et j’ai la modestie de penser que ce n’est pas ma présence qui va transcender les joueurs. Je crois aussi que mon image est liée aux résultats. Je suis parti avec beaucoup d’éléments contre moi. Je suis Vaudois, ancien président de Lausanne-Sport et, en plus, il y a eu des histoires avec la Fondation Facchinetti.

Nicky Beloko, un joueur que les fans n’ont pas fini de regretter. Photo: archives Christian Galley

Vous êtes Vaudois, qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre Neuchâtel Xamax?

Je l’ai fait par pure passion. Cela reste une immense de chance de pouvoir diriger un club de football. C’était en quelque sorte mon dernier projet. Je portais également un certain attachement envers Neuchâtel Xamax. Ma société Grand Chelem (réd: vendue en 2015 à Alain Joseph) en était devenue l’agence. Par la force des choses, je suis devenu un supporter. J’ai habité cinq ans à Neuchâtel et j’y ai travaillé. Je n’ai pas rejoint un univers totalement étranger.

N’y avait-il pas de repreneurs dans la région?

Nous avions demandé à Christian Binggeli (propriétaire entre 2012 et 2019) si des Neuchâtelois étaient intéressés. Il m’avait dit qu’il n’y en avait pas. Après coup, j’ai appris qu’un projet avait été mis en place par des Neuchâtelois. Mais il y avait visiblement des problèmes entre Binggeli et ces personnes.

Le parcours du HCC m’inspire. Ce que les Chaux-de-Fonniers réalisent aujourd’hui, nous devons essayer de le reproduire.

Combien de temps souhaitez-vous rester à Neuchâtel?

Même si j’ai encore reçu une offre pour racheter le club cette semaine, je n’entre pas en matière. Je compte m’engager tant que je garde du plaisir. Après, si je me retrouvais face à un lourd constat d’échec, je me poserais des questions. Le jour où je vais me retirer, j’espère de tout cœur que des gens de la région auront envie de s’impliquer.

Est-ce que vous souffrez du succès du HCC?

Non, le parcours du HCC m’inspire. Nous ne sommes pas concurrents. Ce que les Chaux-de-Fonniers réalisent aujourd’hui, nous devons essayer de le reproduire. Ils ont aussi connu des difficultés par le passé.

Les participants
La rencontre s’est déroulée lundi 27 mars au soir dans un des salons VIP de la Maladière.

Ont participé à la réunion: Christophe Gaschen, Jean-Michel Pantet, Joëlle et Chloé Meister, Ludovic Droz, Michel Dubois, Daniel et Gary Gisler, Antoine de Montmollin et Gilles Maire.

Temps fort Xamax: bienvenue dans le royaume de la convivialité

Les buvettes représentent une composante importante lors d’un match. Plongée dans un univers qui occupe quelque 50 bénévoles lors de chaque rencontre à la Maladière.