Moment fort et émouvant dans la valse des souvenirs de l'hôtesse (d'un gros sponsor du Tour de France) et du coureur, de l'épouse et de l'époux, cette bise devenant bisou et soufflant sur la bouche plutôt que sur la joue, en juillet 2001, lorsque Christophe enfila la petite tunique jaune de la Grande Boucle, auréolé de sa victoire dans le prologue de Dunkerque. «On aurait voulu le faire exprès qu'on n'y serait pas arrivé» sourit le Tricolore, joues rosissantes.
Les Moreau ont débarqué dans le Jura suisse en 2001. A Delémont d'abord, à Porrentruy ensuite, à Coeuve bientôt où le couple bâtit une maison dans le but d'y «agrandir la famille». Pourquoi la Suisse? «Au début, les conditions fiscales n'ont pas été étrangères à notre décision, reconnaît très volontiers Christophe Moreau. Mais ce côté-là ne serait pas suffisant pour que l'on reste ici. Si l'on était malheureux comme des pierres, on s'en irait. On se plaît énormément en Ajoie. On a trouvé nos repères, des vrais amis et une qualité de vie que l'on n'a pas forcément en France. Le quotidien nous apaise, on vit tranquillement. Moi qui voyage beaucoup, qui rencontre du monde, je m'aperçois que les gens d'ici sont plus portés sur le sentiment, la reconnaissance, la gentillesse, l'honnêteté, les relations humaines, ce sont des travailleurs et ils savent encore ce que c'est que d'avoir une parole...»
Christophe Moreau respire, réfléchit, avant de lancer: «Je ne sais pas si c'est heureux ou malheureux à dire, mais on se sent plus Suisses que Français...»
Quand, de Belfort, il venait rouler en Helvétie, le leader de l'équipe AG2R (avec Mancebo) ne pensait pas qu'il tomberait «à ce point amoureux» du Jura, de Porrentruy, «une petite bourgade où je me régénère entre les courses». Emilie non plus: «Dans une petite ville comme ça, on connaît rapidement les artisans, les commerçants, on se crée vite un réseau de relations sociales complet.» «Les gens sont très respectueux, ajoute Christophe. A la Braderie, à la Saint-Martin, le côté: «je te paie un verre» est impressionnant! Si je ne connais pas tout le monde, tout le monde me connaît!»
L'autre avantage de la Suisse est de proposer - globalement - une presse moins vorace. «J'ai vécu de bonnes et de mauvaises expériences avec les médias français, parfois excessifs parce qu'il faut bien vendre, souffle Christophe Moreau. Ici, c'est plus tranquille. Cela dit, j'ai besoin de la presse, j'ai une équipe, des sponsors, je ne peux pas vivre en ermite! Je veux juste fixer mes propres limites.» / PTU