Le canton de Neuchâtel pourrait bien conserver sa Haute Ecole de musique. La commission du Grand Conseil rejette le contre-projet du Conseil d’Etat et recommande, à une voix près, que l’initiative législative populaire «pour le maintien d’une formation musicale professionnelle dans le canton de Neuchâtel» soit directement approuvée par le législatif cantonal. Si ce dernier l’accepte, le peuple ne se prononcera pas et la HEM sera sauvée.

Dans son rapport, la commission tape sur les doigts du gouvernement: elle relève ses inexactitudes, ses approximations et juge son contre-projet hors sujet, bien que son contenu soit salué.

Pas de réelles économies

Les initiants parlent de 800 000 francs d’économies, l’Etat avance une somme de 2,2 millions de francs. La commission, elle, «n’est pas convaincue du bénéfice financier que retirerait le canton en cas de fermeture de la HEM», et «est divisée sur la fiabilité des chiffres».

Par exemple, les économies supposées sur l’utilisation des locaux partagés avec le Conservatoire. Ceux-ci sont à la charge de l’Etat et coûtent plus de 600 000 francs par an. HEM ou non, la charge reste la même. Relouer les locaux paraît compliqué, sachant que des pianos se trouvent dans pratiquement chaque salle.

«Que» deux Neuchâtelois?

Le Conseil d’Etat a répété ce refrain en boucle: en 2018, sur 100 étudiants, le site neuchâtelois de la HEM formait «seulement» deux Neuchâtelois, et 18 Suisses. Le grand nombre de musiciens étrangers coûte trop cher, et maintenir une école pour deux indigènes est un luxe.

La commission ne l’entend pas de cette oreille: une Haute Ecole a pour vocation de rayonner au-delà de son seul canton. Il est donc normal que les futurs musiciens neuchâtelois privilégient d’autres horizons pour leurs études, d’autant plus «après 12 ans d’études de base dans leur région», estime la commission.

Cette dernière observe que le site neuchâtelois propose une offre restreinte, ce qui favorise aussi l’exode estudiantin sans pour autant remettre en cause l’attractivité de l’école. Mais la HEM serait déjà en train d’étudier plusieurs nouvelles offres de formation, comme le glisse le pianiste Marc Pantillon.

Dix ans de mollesse

Dénoncer la convention qui lie Neuchâtel à la Haute Ecole de musique de Genève engendrerait une sortie de la caisse de pension prévoyance.ne, en 2022, évalué à près de 3 millions de francs, indique le Conseil d’Etat. «Une estimation maximale», selon la commission, qui en prend acte.

Les indemnités au personnel avoisinent au maximum 2 millions de francs. Pour ces deux cas de figure, le Canton a déjà provisionné 5 millions. «Si la HEM est maintenue, nous pourrons compter sur cet argent», se réjouissent les initiants.

Sur le fond, tant la commission que le comité d’initiative regrettent le manque d’action du Conseil d’Etat depuis la signature de la convention en 2008. «Nous l’avons signée précisément parce que nous étions menacés de ne plus exister. Depuis, les autorités n’ont rien fait pour reprendre en mains le dossier de la formation musicale», regrette Marc Pantillon.

Pour les commissionnaires, le Canton aurait au minimum pu tenter une renégociation avec Genève, voire avec d’autres cantons. Il aurait également pu s’approcher d’autres hautes écoles et changer son offre de formation. «Aucune étude n’a été menée en ce sens».

En duo avec le Conservatoire

Le Conseil d’Etat a proposé un contre-projet à l’initiative. Celui-ci vise à renforcer la formation préprofessionnelle musicale dans le canton. Pour les initiants comme pour la commission, le contre-projet ne répond pas aux préoccupations de l’initiative puisqu’il ne traite pas de la formation professionnelle. En revanche, le contenu du contre-projet mérite qu’on y donne suite, «ses intentions étant bonnes», selon la commission qui préconise un débat séparé.

Actuellement, le Conservatoire de musique, qui gère les classes préprofessionnelles, se profile pour être reconnu «Pre-College», un label de qualité validé au niveau suisse. Mais pour l’obtenir, il faut un quota d’élèves et de réussite, que le Conservatoire n’atteint pas à ce jour. «Il est essentiel que le Conservatoire ait une HEM à proximité», souligne la commission. Elle rappelle aussi l’effet stimulant et l’émulation qu’une haute école apporte à des classes préprofessionnelles.

L’étude sur les retombées

Difficile de mesurer les retombées économiques et culturelles du site neuchâtelois de la Haute Ecole de musique. Néanmoins, la HEM s’y est essayé en menant une étude sur l’intégration de ses étudiants, afin de mesurer l’impact de leur engagement personnel, sur une période de neuf mois, durant l’année 2018-2019.

Ainsi, 65 étudiants immatriculés depuis plus d’une année à Neuchâtel s’engagent dans 150 manifestations diverses; ils collaborent avec 72 ensembles du canton et dispensent 69 cours hebdomadaires. Parmi eux, 8 sont directeurs de sociétés de musique.

Musique: cet été, la HEM part à la rencontre des aînés neuchâtelois

Pendant les grandes vacances, les étudiants de la Haute école de musique se produiront dans des EMS de Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds.