Avec «Suspiria», sorti en 2018 mais inédit en Suisse, le cinéaste sicilien Luca Guadagnino (auteur de «Call Me by Your Name») s’est attaqué à son rêve d’enfant: réaliser le remake du film culte de Dario Argento, maître du «giallo» – qui qualifie le cinéma d’exploitation italien des années 1960 à 1980 et son subtil mélange d’horreur et d’érotisme.
Automne allemand
Réalisé en 1977, le «Suspiria» d’Argento marquait un aboutissement en dépassant la violence froide pour aller vers des couleurs hautement ésotériques. Ancrée la même année à Berlin, durant «l’automne allemand» et le déclin de la RAF (Rote Armee Fraktion ou bande à Baader), la version de Guadagnino est aussi différente de l’original que déroutante et hallucinée.
Débarquée des Etats-Unis et libérée de sa famille mennonite, la jeune Susie Bannion (Dakota Johnson) intègre une académie de danse berlinoise. Impressionnée par son talent, Madame Blanc (Tilda Swinton), l’envoûtante chorégraphe et sorcière des lieux, la promeut au premier rôle de sa pièce intitulée «Volk». Mais la jeune danseuse commence à faire des cauchemars…
Beauté et féminisme
Délaissant le gothique coloré cher à Argento au profit d’une esthétique sombre et angoissante, Luca Guadagnino multiplie les images horrifiques quasi subliminales et les scènes de danses aux connotations sexuelles ambiguës, accompagnées d’une musique mélancolique signée Thom Yorke (Radiohead).
En résulte un film de sorcières de toute beauté porté par un féminisme de chaque instant. A voir sur www.nifff.ch sans oublier l’interview du passionnant Guadagnino dans sa voiture (sur la Nifff TV, show 2, à la minute 30).
De Luca Guadagnino, avec Dakota Johnson, Tilda Swinton, Mia Goth… Durée: 2h32. Âge légal/conseillé: 16/16. Trois étoiles: excellent