Mille m?tres plus haut, le sommet du Mont-Blanc. Trois mille m?tres plus bas, la station de Saint-Gervais-les-Bains. Le chantier du nouveau Refuge du Go?ter est perch? entre ciel et terre, ? 3835 m d'altitude. En fait de ?cabane?, c'est un b?timent de quatre ?tages qui remplacera, d?s l'?t? prochain si tout va bien, le v?tuste refuge qui accueille les alpinistes sur cette voie d'acc?s au Toit de l'Europe. V?ritable bijou ?cologique, ce projet ? 6,5 millions d'euros (7,5 millions de francs) a ?t? con?u par deux Genevois, l'architecte Herv? Dessimoz et l'ing?nieur Thomas Buchi. Le m?me duo, sp?cialis? dans la construction ?durable? en bois, qui a r?alis? le Palais de l'?quilibre pour Expo.02.
Course contre la montre
?Tout est extr?me sur ce chantier?, affirme Thomas Buchi. La temp?rature (moins 7 de moyenne), le vent (jusqu'? 260 km/h), et le manque d'oxyg?ne, qui ?te 50% de la puissance des moteurs. Au sommet de l'Aiguille du Go?ter, tout ce qui est simple en plaine s'av?re complexe. Utiliser une grue, par exemple. ?Pour l'acheminer en h?lico, on a d? la d?monter en 26 morceaux de 550 kilos?, indique Herv? Dessimoz. Ou b?tir les fondations du b?timent, avec des quantit?s minimes de b?ton et en ancrant des pilotis au bord d'un pr?cipice haut d'un kilom?tre et demi.
Lanc? l'an pass?, le chantier a pris cette ann?e des allures de course contre la montre. Depuis la r?ouverture des travaux, fin mai, les intemp?ries se sont encha?n?es. Entre d?neigement et brouillard, les h?licos n'ont pu livrer les premi?res pi?ces de charpente qu'? la mi-juillet, avec trois semaines de retard sur le planning. ?On a v?cu une situation semblable l'an pass?, rassure Thomas Buchi. ?M?t?o ex?crable en ao?t, pr?s d'un mois de retard, puis un automne magnifique qui nous a permis de tout rattraper.? Il croise les doigts: le b?timent doit absolument ?tre ferm? et au sec avant l'arriv?e de l'hiver.
Pour les hommes ? l'?uvre l?-haut, des guides ou des familiers de la montagne pour la plupart, les conditions sont difficiles. A 3800m, on fatigue vite et on se repose mal. Et les grappes d'alpinistes qui se l?vent ? 2h du mat' ne facilitent gu?re le sommeil... ?Sur le chantier, le mal des montagnes peut vous faire agir bizarrement?, ajoute Thomas Buchi. Raison pour laquelle ?chacun v?rifie le comportement de l'autre, comme en plong?e.? Mais malgr? la vigilance, le risque reste pr?sent. ?L'autre jour, un brusque orage a surpris les ouvriers en plein travail?, illustre Herv? Dessimoz. ?Alors qu'ils couraient se mettre ? l'abri, la foudre est tomb?e ? quelques m?tres. On a fr?l? le drame.?
?Vert? et durable
Ext?rieur m?tallis? en inox, structure int?rieure en bois: une fois termin?, le refuge ressemblera ? un gros ?uf. Les ?l?ments sont pr?fabriqu?s en plaine, puis h?liport?s et assembl?s comme un jeu de construction. ?Gr?ce ? la grue, nous pouvons nous passer presque enti?rement de vols stationnaires, difficiles ? cette altitude et gourmands en k?ros?ne?, pr?cise l'ing?nieur. Pour minimiser les transports, chaque ?l?ment doit allier r?sistance et l?g?ret?. Ainsi, les planchers ne sont pas en lourds madriers, mais en caissons creux.
De l'isolation (fibre de bois et triples vitrages) ? la r?cup?ration de chaleur dans la salle ? manger, les quatre ?tages de la cabane seront truff?s d'astuces. Un fondoir recueille la neige port?e par le vent et les chauffe au solaire, les WC sont inspir?s d'un syst?me utilis? dans les sous-marins, et les eaux us?es sont ?pur?es sur place par filtration.
Le refuge sera autonome pour la production d'eau et le chauffage; l'?lectricit? sera essentiellement solaire, avec une g?n?ratrice d'appoint ? l'huile de colza (et un peu de mazout) en cas de pic d'affluence. ?La seule ?nergie fossile utilis?e, c'est le gaz de cuisine. Au stade actuel des connaissances, il n'existe pas d'alternative pour pr?parer 120 repas?, r?sume Thomas Buchi. Tant que l'approvisionnement se fait par h?lico, le refuge de haute montagne ?propre ? 100%? reste de toute fa?on une utopie...
?C'est la premi?re fois que le club alpin fran?ais va aussi loin dans le d?veloppement durable pour un b?timent?, pose Raymond Courtial, vice-pr?sident du CAF. ?Le Go?ter va devenir notre r?f?rence, m?me si on n'est pas s?rs d'aller aussi loin dans tous nos refuges.? Pour ses deux concepteurs suisses, cette r?alisation doit avoir valeur d'exemple. ?Si ? 3800 m on parvient ? ?tre autonome pour le chauffage, l'eau et l'?lectricit?, il n'y a plus d'excuse pour ne pas le faire en plaine!?
Chaque ?t?, le refuge engloutit une tonne de charbon en cuisine. Il tire l'essentiel de son ?lectricit? d'une g?n?ratrice ? mazout, plus quelques panneaux solaires. C?t? WC, les excr?ments sont depuis peu ?vacu?s en h?lico, mais les eaux us?es sont toujours rejet?es sans filtrage dans la nature. D?s 2013, la vieille cabane sera ras?e, et son annexe, plus r?cente, convertie en local d'hiver et de secours. Le nouveau refuge offrira plus d'espace, de confort et m?me une douche pour les gardiens.
Mais, avec 120 places au lieu des 100 actuelles, il ne r?glera pas le probl?me de surpopulation. ?On offrirait 200 places qu'il viendrait 250 alpinistes?, soupire Raymond Courtial. Il mise sur un syst?me de r?servations payantes pour mieux ma?triser la fr?quentation. amo
Tout savoir sur le chantier sur le site: www.refugedugouter.fr