Le bronzé à la chemise jaune: «T'étais où en vacances? Les Iles Canaries? Ouais, c'est sympa, j'y suis allé trois fois. Mais je préfère l'Egypte. Les hôtels sont plus classe.» Le moustachu au crâne qui pèle: «Et toi, t'es parti où cet été? Cuba? Excellent, j'y suis aussi allé. C'est beau, mais les gens mendient toujours des savons. En plus, y'a pas la clim.» Une mère de famille qui se joint à eux: «Pas très original, tout ça. Nous, on part aux Galapagos. Ça va être exotique. Mais bon, 23 heures d'avion? Et avec les gosses?»
Les mêmes, quinze ans plus tard: «Tu fais quoi cet été?» Le chauve: «Ben on reste par là. Peut-être un week-end à Dakar, ou une soirée à Chypre. Il y a l'open air à Nicosie.» La mère de famille: «Pas de chance. Nous, on se fait le voyage sur Mars. C'est assez joli. Bon, les différences de pression atmosphérique provoquent des maux de tête.» L'éternel bronzé: «Mars, trop caillouteux! Essayez les satellites de Jupiter. Sur Thébé, la bière est délicieuse.»
Le fils de la voyageuse, 19 ans, se greffe à la conversation: «Moi, je descends au Tessin à pieds.» Regards abasourdis. «Où ça?», demande le moustachu. «Sans avion, ni fusée à propulsion dans l'hypertemps?», ajoute le bronzé. «C'est naze. Et y'aura personne, tu vas t'ennuyer.» Le jeune homme enfile alors son MAGCM (Masque Anti Gaz Carboniques Modifiés), qui protège aussi des émanations d'essence à propulsion intergalactique, et commence sa marche vers le sud, impatient de découvrir, au fil des kilomètres, les infimes variations du paysage. Celles que plus personne ne voit.