Le blues de la blouse bleue de l'apprenti, pas encore apprenant...

07 mai 2008, 12:00

Une blouse neuve, un bleu de travail fraîchement lavé par ma mère pour adoucir le col rêche. L'odeur du produit de lessive allait m'accompagner lors de ma première journée passée dans une imprimerie. Quatre ans d'apprentissage à tirer. «C'est rien dans la vie d'un homme», m'avait rassuré un sage.

Avec une âme d'écolier, je regardais tourner les machines, les mains dans les poches. C'est là que j'encaissai la première remarque du patron: «On ne fait pas ça ici!» Malhabile pour tirer ma première épreuve au rouleau encreur, je me précipitai au lavabo. Le deuxième reproche fut: «Un bon ouvrier ne se lave jamais les mains avant l'heure.» Il est vrai que les typographes s'essuyaient avec de l'étoupe et de la benzine.

Je retournai à la salle de composition en sifflotant un air à la mode de 1964. Le chef: «On ne siffle pas au boulot!» L'entrée dans le monde du travail avait commencé. Le fait d'avoir chanté aux promos «L'école est finie» devant le directeur du collège en narguant le corps enseignant n'avait pas fait de moi un adulte. Il fallait encore me mettre dans le moule. Et la routine est venue s'installer, les caractères en plomb abandonnés pour la photocomposition, reléguée ensuite par l'ordinateur. De recyclage en recyclage, le métier de base a disparu. Ne restent que les lettres et les mots qu'il faut toujours décortiquer. Et soudain, le chiffre 4 qui réapparaît: plus que quatre ans à tirer. Il est passé où le sage qui m'avait dit: «C'est rien dans la vie d'un homme»?